François Mauriac (1885-1970), lauréat du Grand Prix du roman de l'Académie française (1926), membre de l'Académie française (1933) et lauréat du prix Nobel de littérature (1952) a été décoré de la Grand-croix de la Légion d'honneur en 1958. Le Nœud de vipères date de 1932.
Le roman se déroule dans le Bordelais. Louis, ancien avocat, a accumulé de fortes richesses durant sa vie. Aujourd’hui, à soixante-huit ans il est mourant et il écrit une très longue lettre destinée à sa femme Isa qui a tout d’un réquisitoire. Se sentant cerné par des rapaces n’en voulant qu’à ses biens, il se lâche et accuse épouse, enfants et toute sa famille de tous les maux, prévoyant de se venger en les déshéritant tous, au profit de Robert, un fils illégitime qu’il ne connait d’ailleurs pas et qu’il qualifiera « d’abruti » plus tard. Son projet va être contrecarré par un évènement imprévu, le décès soudain d’Isa…
Un roman dans lequel j’ai eu du mal à entrer et qui, je l’avoue, m’a souvent ennuyé dans sa première partie.
Ce qui m’a rebuté au début : L’écrivain a choisi de rédiger son roman sous une forme épistolaire, Louis écrivant une longue lettre vengeresse. Des mots très durs, il y est question de haine obsessionnelle envers son épouse, pas moins. Une charge terrible qui arrose toute sa famille. Je me suis demandé ce qu’il fallait réellement croire, quand nous n’avons que le son de cloche d’un vieux mourant, de plus un avocat, habile professionnellement à fourguer sa vérité ?
On sait François Mauriac très fin analyste des âmes tourmentées et critique sévère de la bourgeoisie provinciale, ici il s’y adonne avec une rage folle. Si Louis est un terrible bourreau pour son entourage par son désintérêt envers eux, il s’avérera au fil de sa rédaction devenant confession, qu’il est lui aussi une victime, une victime de lui-même car se croyant incapable d’aimer, il contrariera sa nature profonde en ne se risquant pas dans cette voie durant sa vie. Un cercle vicieux, qui ruinera son couple d’où le choix de son épouse de mettre leurs enfants de son côté et lui de se sentir rejeté.
Je pourrais aussi évoquer la place occupée par l’argent tout au long du roman (« J’aime l’argent, je l’avoue, il me rassure »), les combines des uns et des autres pour n’en pas perdre une miette après le décès attendu de Louis. La religion n’est bien entendu jamais oubliée chez l’écrivain, Isa pratique, Louis non et ne se gêne pas pour le lui faire sentir. Pourtant, la fin de vie de Louis semble indiquer un changement d’état d’esprit.
Un roman très dense et moralement très dur, Mauriac nous plonge dans un effroyable marigot bourgeois avant de retenir sa charge en nous offrant un final rédempteur (« Il est vrai que j’ai été un monstre de solitude et d’indifférence »). J’ai eu du mal à l’entrée mais au fil de ma lecture ce sentiment négatif s’est mué en satisfaction.