Mélodie Ducoeur est l’auteure derrière l’univers de Séraphin. Tout a débuté par un appel à texte et une nouvelle qui a été récompensée. Dès lors, l’écrivaine a eu l’excellente idée d’adapter son concept originale en plusieurs formats. Pour cette artiste belge, le récit du Royaume de Séraphin s’est exporté différemment. Des versions qui pourront être lues à tout âge dont un album illustré, incluant des parties en texte qui se destine aux petits, un roman pour les enfants et un autre pour les adolescents. Il existe même un roman de Noël, qui pourra être apprécié par toutes les générations, mais plus particulièrement les ados et les adultes. L’éditrice Stéphanie Eischorn a donc mis en page Le Royaume de Séraphin en décembre 2021, avec un début qui s’oriente sur Gaëlle, la mère de Dimitri. Cette publication a lieu un an avant l’édition du Royaume de Séraphin tome 1. Ainsi, dans ce texte de 333 pages, le lecteur fait la connaissance d’un personnage important, à savoir une femme aimante et dévouée. Son fils Dimitri n’est pas accepté par la norme. En effet, le petit est atteint d’un handicap invisible, le TDAH qui est un trouble de l’hyperactivité. Elle est de ce fait très angoissée vis-à-vis des blessures qu’il peut récolter. Les adultes pensent donc qu’il est mal élevé, impoli, malgré sa neuroatypie. D’ailleurs, le gamin s’est inventé une cour où il est monarque : Dimitri Delalune… En dépit de toutes ses tentatives pour sensibiliser l’école, l’enfant s’est donné la mort. Il n’avait que dix ans.
Le chapitre premier s’ouvre sur le parcours de Timéo, un bébé décédé, qui accède au Royaume de Séraphin. Cette dimension parallèle qui se trouve dans un monde alternatif : il rencontre notamment Titouan, un autre petit personnage
Un univers magique et féerique qui fait rêver le lecteur
Comme les autres âmes d’enfants qui sont envoyées au Royaume de Séraphin, ce dernier est doté d’un don spécial : il peut faire apparaître des animaux. Tifanie peut faire pousser des plantes. Séraphin est un vieillard qui ressemble au cliché de Dieu avec une longue barbe et aux cheveux blancs. Quel est donc le pouvoir magique de Timéo ? Ce bébé n’a pas « besoin de baguette magique » : il peut toucher le ventre de sa maman pour y faire naître la vie. Chaque chapitre change de point de vue. Ainsi, l’un des chapitres évoque l’arrivée de Dimitri, qui est le fils de Gaëlle : le personnage qui s’exprime à la première personne au tout début du roman. Puisque chaque personnage est introduit dans le Royaume, la narration est très fluide et le lecteur comprend, en même temps que les nouveaux venus l’organisation du Royaume de Séraphin. Il est très structuré et géré par des adultes compétents, qui sont aussi les esprits des défunts choisis et sélectionnés par Séraphin en personne. Les enfants surdoués et dotés de superpouvoirs participent à l’essor de la vie sur Terre. D’ailleurs, Dimitri – qui était dépeint comme un personnage marginal, rejeté pour sa différence se trouve une vocation. Son talent inné étant celui de faire rire, il apporte la joie autour de lui. Rares sont les adultes à être véritablement développés dans ce roman, car l’accent est mis sur les bébés et les plus jeunes : les enfants en particulier. Cependant, certaines figures sont mises en avant dont la mère de Dimitri, Gaëlle, mais aussi Boris. Boris est un adulte qui rejoint le Royaume de Séraphin, après s’être donné la mort. Ne supportant pas le décès accidentel de son bébé Lucas, il finit par le suivre dans l’au-delà. Malgré les thématiques très obscures abordées dans ce roman, le style et les idées développées par l’auteure tendent à proposer une autre vision de la vie et de la mort.
Dans son histoire à la fois douce et difficile, Mélodie Ducoeur insuffle de la couleur dans les situations les plus sombres.
Une ode à la différence : tout le monde mérite d’être aimé
Atelier pour fabriquer des rêves et sessions d’arcs-en-ciel, adolescents et enfants ailés qui travaillent main dans la main, pour faire de ce monde un univers plus beau… Cet idéal n’est pas seulement construit pour faire rêver et adoucir la mort, avec des images réconfortantes. Dans ce climat bienveillant sans pareil, Mélodie Ducoeur glisse un message percutant. La mère de Dimitri est un personnage redondant qui inspire le respect. En effet, Madame a décidé de se battre. Après le chagrin et la tragique perte de son enfant atteint de TDAH, le personnage a souhaité se consacrer sa vie à la sensibilisation au harcèlement. Cela passe donc par l’éducation des enfants, qui ont été des facteurs déclencheurs de pulsions suicidaires chez son petit.
Le Royaume de Séraphin est une idée brillante et un projet concrétisé, qui s’adresse à toutes les générations. Pour les adolescents, le genre fantastique permet d’instaurer une atmosphère mystérieuse, à la manière d’un cocon hors du temps. En réalité, le paradis que représente le Royaume peut aussi être source de réconfort chez les personnes qui ont subi la perte d’un être cher, surtout d’un enfant ou d’un jeune frère ou sœur.
Aujourd’hui, le combat contre le harcèlement (et du cyberharcèlement) connaît un regain. Malheureusement, ce fléau est encore et toujours la cause de bon nombre de drames, qui surviennent dans les milieux scolaires. Combien de « faits divers » rapportent le suicide d’un adolescent, qui n’en pouvait plus d’être discriminé à l’école ? Il est grand temps d’en parler : c’est pourquoi l’œuvre de Mélodie Ducoeur est une réussite : une découverte à la fois divertissante et intelligente.