La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská

La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská
Sa silhouette fluette semblait rétrécir d'année en année, inversément proportionnelle à son énergie et son espièglerie. Ses yeux malicieux et son grand sourire... Toute parcheminée, elle semblait éternelle. Květa Pacovská dont on a appris le décès hier à l'âge de 94 ans, annoncé par son fils Štěpán Grygar, était une de ces artistes comme on en rencontre peu. Géniale, sûre de ce qu'elle avait à dessiner, pas toujours reconnue par les parents que ses albums très graphiques et plein de couleurs effrayaient alors qu'ils réjouissaient les enfants. Mondialement connue pour son travail de plasticienne, elle a toujours gardé pour le livre de jeunesse une tendresse inégalée. Ses livres sont traduits en allemand, en anglais, japonais, français, italien, portugais, danois, néerlandais, chinois...
Décédée ce 6 février, Květa Pacovská était née le 28 juillet 1928 à Prague (Tchécoslovaquie). Son père était chanteur d'opéra, sa mère professeur de langues. Dès son enfance, elle aime créer de belles choses, révélant son talent pour les arts. La mort de son père pendant la Seconde Guerre mondiale la force à quitter le lycée. En 1945, elle commence à étudier une école de graphisme et deux ans plus tard, est admise à l'Académie des Arts, de l'Architecture et du Design de Prague. Là, sous la tutelle d'Emil Filla, elle se consacre à la peinture monumentale. Elle obtient son diplôme en 1952 et donne naissance peu après aux deux fils qu'elle a eus avec le designer Milan Grygar.

La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská

Květa Pacovská en 2017.


Elle commence à gagner sa vie en tant qu'illustratrice de livres pour enfants. Les siens d'abord. La seule façon pour elle de pouvoir s'exprimer et d'être entendue. Elle illustre notamment des contes de Grimm et d'Andersen (Minedition les a republiés en français). Son style créatif incomparable est d'abord rejeté, trop progressiste pour l'esprit du temps. Elle les pense de manière globale, comme objets complets, comme objet d'art autonome ensuite. Tout de suite, elle crée des dessins en trois dimensions, composés à partir d'éléments géométriques élémentaires. Elle les anime souvent avec des fils, leur donnant un caractère ludique mais plongeant ses éditeurs dans les affres. Les livres pour enfants auront toujours accompagné son travail expérimental. Sa singularité d'artiste lui confèrera une réputation unique dans le monde des arts.
"Dans mes livres, j'invite les enfants à explorer l'univers des formes, des couleurs et des matières. J'essaie de faire découvrir un monde nouveau en lien étroit avec l'art contemporain. Je suis certaine que les enfants ont besoin d'une approche artistique forte." Květa Pacovská in Le Soir.

La triste nouvelle du décès de Květa PacovskáEn 1983, Květa Pacovská reçoit l'estimée Pomme d'Or à la Biennale de l'Illustration de Bratislava (BIB) pour ses illustrations de "Pimpilim pampam" (texte de Josef Hanzlík), ce qui lui permet d'organiser une exposition indépendante. Elle y est découverte par un éditeur allemand pour qui elle crée alors une série de livres sur les nombres, les couleurs, les formes et l'alphabet qui remportent les suffrages dans de nombreux pays. Après la révolution de velours, elle a eu davantage d'opportunités d'exposition et elle a également enseigné dans des écoles d'art à Berlin et en Angleterre. Comme professeur invité à la Hochshule des Künste de Berlin en 1992-93. Comme Docteur Honoris causa en Design à l'Université de Kingston en Grande-Bretagne en 1999. En 1995, elle a réalisé un projet de jardin au musée d'art de Chihiro au Japon.
"Kveta Pacovska surprend par le contraste entre sa palette de plasticienne et son physique effacé. Son regard s'illumine dès qu'elle évoque le papier, les couleurs, les émotions artistiques qu'elle souhaite susciter chez les enfants."  LC in Le Soir.
En 1986, Květa Pacovská figure dans la "Honour List" de l'IBBY, catégorie Illustration. En 1988, elle remporte le prix de Catalogne, décerné par la Biennale de l'illustration en Catalogne. En avril 1992, elle reçoit le prestigieux prix Hans Christian Andersen de l'IBBY, en catégorie illustration. A ce moment, on ne connaît d'elle en français que l'album "Un, deux, cinq, beaucoup" (Ouest-France, 1991), qui changera de titre ensuite et deviendra "Jamais deux sans trois" (Seuil Jeunesse, 1996).
La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská"Un, cinq, beaucoup" (Ouest-France, 1991)
Ce que j'en écrivais à l'époque: "Cet album animé dû à une artiste tchèque est vraiment original. L'enfant passe d'un étonnement à l'autre: volets à soulever, portes à ouvrir... et bien des choses à regarder avec toutes ces variations en rapport avec les chiffres. Les couleurs vives et les thèmes graphiques incitent au jeu et au rire. Une déclinaison d'amusements qui transforme le monde des nombres en terrain d'observation." La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská
La triste nouvelle du décès de Květa PacovskáEn 1993, son album "MidNight Play" ("Le théâtre de minuit") remporte une mention spéciale au Prix graphique de la Foire de Bologne section enfance. 
La triste nouvelle du décès de Květa PacovskáEn 1993 encore, son album "Grün rot alle: ein farbenspielbuch" ("Couleur couleurs") obtient la "Mention" au Prix critique en herbe de la Foire du livre de jeunesse de Bologne, décerné par les enfants des écoles primaires de Bologne.
La triste nouvelle du décès de Květa PacovskáEn 1998, à cette même Foire du livre de jeunesse de Bologne, Květa Pacovská est la lauréate du Special Award pour son ouvrage "Alphabet" (Seuil Jeunesse, 1997).
Ce que j'en écrivais à l'époque: ""Alphabet" est un abécédaire spectaculaire. Les pages animées, riches de leur contraste entre le blanc et les couleurs claquantes, célèbrent les lettres. Pleines, évidées, en braille ou en encre argentée réfléchissante, elles balisent une promenade inoubliable. L'alchimie qui émane de cette somptueuse recherche plastique leur confère le statut de héros. Pacovská utilise toutes les ressources de son art pour surprendre le lecteur, le séduire et le captiver une nouvelle fois. Les habitués retrouveront ses personnages caractéristiques: rigolos, pliés dans tous les sens, désarticulés, étirés ou arrondis, ils sont les voisins farceurs des lettres. Pour tous."
De 2019 à 2023, Květa Pacovská est sélectionnée cinq années d'affilée pour le prestigieux prix suédois Astrid  Lindgren (ALMA).
D'autres livres
La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská"Le Petit Roi des fleurs" (l'école des loisirs, Pastel, 1993)
Ce que j'écrivais à l'époque: "L'auteur, influencé par des artistes contemporains comme les cubistes et Paul Klee, considère le livre pour enfants comme une première galerie d'art. Cette habitante de Prague a obtenu l'an passé le prestigieux prix Andersen, le Nobel de littérature de jeunesse. Ses livres (celui-ci ou "Un, cinq, beaucoup" publié chez Ouest-France) sont de véritables objets plastiques. Chaque détail a sa raison d'être. Ses couleurs sont vives, son style, original, farfelu, recherché et dépouillé, mêle peinture et collages, découpages et reliefs.
"Le Petit Roi des fleurs" est un très joli conte: son héros, un tout petit roi, vit en harmonie avec le jardin où croissent des tulipes. Jusqu'au jour où il découvre qu'il manque quelque chose à son bonheur. Voilà notre petit roi qui part à travers le monde en quête de l'élue de son coeur. Il en revient bredouille: où se cache sa princesse? Réponse dans ce superbe album aux découpes judicieusement placées. L'auteur joue sur les couleurs (vives) et les formes (simples), emmenant ses lecteurs pour une promenade dans l'art contemporain."

La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská"La fleur sans couleur" (Nord-Sud, 1998)
Ce que j'en écrivais à l'époque: "Une fleur sans couleur part en quête du papillon qui a, jadis, donné leur couleur aux autres fleurs. Chemin semé de découvertes et de déceptions où Květa Pacovská, véritable magicienne des couleurs, libère formes et couleurs pour les recréer dans l'imaginaire de chacun. Pour tous."
La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská"Corne rouge" (Seuil Jeunesse, 1999)
Ce que j'en écrivais à l'époque: "Ses albums se suivent, se ressemblent mais pas tout à fait. S'y succèdent de réjouissantes créatures fabuleuses, poétiques, animant un théâtre candide dédié à l'enfance, à la sensualité des formes et des couleurs. Ici, des rhinocéros explorent les jours de la semaine, au fil d'images à la fois construites et épurées. Découpes et astuces (pliages, collages...) soutiennent le propos ludique de l'artiste."
Ce que j'en écrivais à l'époque: "Mondialement connue, la plasticienne Kveta Pacovská, née en 1928 à Prague, nourrit depuis toujours une vraie tendresse pour les livres pour enfants. Son univers si particulier de formes dépouillées et de couleurs vives qui jouent entre elles offre une vraie jubilation. En témoignent ses derniers albums, "Un livre pour toi", prodigieux accordéon de 100 pages et 12 mètres, acte de beauté gratuit, à lire dans les deux sens, et "Ponctuation" (Seuil tous les deux), variations poétiques sur les signes et l'écriture. Pour tous."
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Quelques livres de contes
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La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská
La triste nouvelle du décès de Květa PacovskáLa triste nouvelle du décès de Květa Pacovská
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Plus récemment

Pour retrouver Květa Pacovská en vidéo quand elle a participé au Festival des illustrateurs de Moulins en 2013, c'est ici.

Leporello magique 


La triste nouvelle du décès de Květa PacovskáAprès le pont noirKvěta PacovskáLes Grandes Personnes, 2016
100 pages en accordéon
Sacrée Květa Pacovská! Agée aujourd'hui de 88 ans, elle nous raconte l'histoire du pont noir qu'elle traverse à Prague chaque fois qu'elle se rend dans son atelier. Un pont magique! Un pont qui devient coloré quand le clown le traverse. Un pont où il se passe "de très étranges et de très belles choses"... qu'elle va nous détailler avec humour dans ce livre qu'elle invite à prendre et à reprendre.
Dans cet immense leporello de cent pages, en collages et découpes, on retrouve toutes les facettes de l'artiste tchèque, son goût pour le rouge et le noir, ses jeux avec les autres couleurs et les miroirs, son intérêt pour les découpes de papier, ses bandes de texte (il faut voir le recto du leporello), ses juxtapositions de dessins au crayon sur cahier, de peintures figuratives ou en nuancier. On retrouve aussi son clown, un peu pâle et renvoyant à plein d'autres, de toutes les formes et de toutes les couleurs. Surtout, on retrouve la facétieuse et joyeuse Kveta qui aime jouer et rire autant qu'interroger. Pour tous.
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La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská

Trois doubles pages du leporello. (c) Les Grandes Personnes.


Dernière rencontre avec l'artiste, à la Foire de Bologne 2019, Květa Pacovská dessine discrètement, fidèle à elle-même.
La triste nouvelle du décès de Květa Pacovská
On trouve les traductions françaises des livres de Květa Pacovská, mais tous ne sont plus disponibles (vivent les secondes mains), essentiellement au Seuil-Jeunesse, chez NordSud, aux éditions du Panama, aux éditions Les Grandes Personnes ainsi que chez Minedition.
Hommage de IBBY International
"C'est avec une profonde tristesse qu'IBBY apprend le décès de la célèbre artiste tchèque Květa Pacovská. Source d'inspiration et de référence pour des générations d'illustrateurs pour enfants du monde entier, elle a reçu le prix Hans Christian Andersen d'illustration en 1992 pour sa contribution incommensurable à l'art du livre d'images. Elle nous laisse de belles illustrations reconnues internationalement pour leurs formes géométriques et leurs couleurs vibrantes. Parmi eux se trouve, bien sûr, notre bien-aimé "chat IBBY". Sa mémoire est à jamais associée à IBBY. Nos pensées vont à sa famille et ses proches. Merci, Květa Pacovská, pour votre générosité pour IBBY et pour tous les enfants du monde."

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Le chat IBBY de Květa Pacovská.