Xavier-Marie Garcette présente La Vierge Noire et le Voyou

Publié le 08 février 2023 par Croqueurs De Mots

La maison d’édition Des Auteurs Des Livres comprend aujourd’hui une biographie romancée et réaliste de Xavier-Marie Garcette, qui suit le parcours insolite d’un des plus grands compositeurs français, Francis Poulenc. Ce musicien que l’on associe avant tout aux œuvres religieuses était également un dandy, aux mœurs souvent opposées à ses croyances. À la manière de nombreux autres artistes maudits, torturés, mais géniaux, cette fierté nationale demande à être mise en avant. Le titre du texte de Xavier-Marie Garcette affiche un sous-titre : Une brève histoire de Francis Poulenc. Au fil de ses 166 pages, l’œuvre présente des chapitres qui portent le nom de partitions comme Les Biches, Les Mamelles de Tirésias ou encore Dialogues des Carmélites. Rédigé dans un style abordable pour toutes les générations, l’écrivain brosse le portrait complexe d’un ambitieux éternellement insatisfait. 

Ainsi, le premier chapitre s’ouvre sur Roberto, un homme courageux, qui travaille dans la rue. En plein hiver, il balaie le trottoir. Un individu sort d’un hôtel, vêtu d'habits chics, à l’apparence irréelle. Il s’agit en réalité de Francis Poulenc. De ce fait, le texte est lancé sur les rails, sur le point de s’envoler. Ce musicien et pianiste construit son art, petit à petit. Malheureusement, un vide existentiel le saisit à chaque occasion, prêt à le tirer vers le bas. Il évolue dans un milieu très riche et dans l’abondance. En réalité, Poulenc ne manque de rien. Il prend le thé chez Marie-Blanche de Polignac, la fille de Jeanne Lanvin. Cette proche amie vit dans un hôtel particulier à Paris. Elle est aussi parente avec Isaac Singer, l’inventeur de la machine à coudre. Parmi les contacts privilégiés de Francis, on y retrouve la famille Noailles, descendante du Marquis de Sade ou encore Cocteau… 

Entre bals costumés aux thèmes spécifiques comme Marcel Proust et conversations cocasses, le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer. On se souvient de certaines pointes d’humour dont l'échange verbal au sujet de la tour Eiffel et du Trocadéro qui n’avaient guère de popularité, à l’époque. Pourtant, ces sites parisiens qui n’avaient pas été pensés pour durer dans le temps font partie des joyaux nationaux, des lieux touristiques très appréciés…

Seulement ce train de vie dynamique, semblable à un tourbillon de musique, arts et rencontres fantasques ne suffit pas au héros, qui souhaite construire une relation. Il jette son dévolu sur Raymonde : il contacte sa sœur Alice Ardoin pour lui demander sa main. Finalement, cette proposition n’aboutira pas. Dans cette errance sur Terre, Francis Poulenc s’interroge sur sa personne, sa véritable nature… « La vie m’a brisé à tel point que je ne sais plus qui je suis », peut-on lire au chapitre 3. Indubitablement, l’homosexualité de Francis Poulenc devait être à l’origine de bien des souffrances, à une période historique où elle était encore vivement condamnée. D’autant plus que ce protagoniste est issu d’une famille traditionnelle catholique et cultive une foi authentique envers Dieu. Mais plutôt que se repentir et vivre dans le mensonge, Poulenc va mener une existence double. Celle d’un « voyou » qui a un côté « moine », comme l’avance Claude Rostand dans le chapitre 5. La rencontre la plus incroyable dans la vie de cet artiste à la sexualité débridée est sans doute son voyage spirituel à Rocamadour. En 1936, il décide de suivre les traces de son père, très croyant. Ainsi, il se rend à la statue de la Vierge Noire, Notre-Dame de Rocamadour. Nostalgique, il est bouleversé par cette statue unique en son genre, qui s’adresse à lui. Il semble même l’entendre le réconforter, l’inviter à aller mieux, à se consoler de tous ces maux qui lui causent bien des souffrances. D’ailleurs, les Litanies à la Vierge Noire (qui est le titre du chapitre en question) sont bel et bien une partition signée Poulenc. 

L’état de béatitude qui résulte de cette transcendance divine ne dure pas. Tiraillé par ses sentiments, Poulenc a l'impression d'être marginal, exclu, incompris. Il fait le choix de poursuivre ses amours jugées comme impures par l’Église, tout en mettant ses talents de musicien au service de la musique religieuse. 

Au fil de sa vie, Poulenc échappe à l’atrocité de la guerre. Au cours de ce voyage interminable, où il fait la rencontre d’hommes dont il tombe sous le charme, dont Raymond Destouches, Francis se sent souvent différent, mis à part. Puisque le temps passe et les conflits aussi, il pense avec nostalgie aux bals d’avant. De plus, Poulenc apprend la mort de proches, ce qui le plonge dans une profonde mélancolie. 

Malgré sa personnalité lunatique et carrément borderline, Poulenc est un exemple de détermination. Plusieurs fois, le lecteur se demande si l’artiste ne finira par devenir complètement fou, puisqu’il ressent ses émotions avec tant d’intensité, qu’on s'interroge. Comment il peut tenir encore debout, composer et envisager une tournée pour jouer ses partitions ? Du premier chapitre au grand final, Xavier-Marie Garcette sert une biographie fort intéressante, aux nombreux rebondissements. Force est de constater que l’auteur a accompli un excellent travail de recherche, afin de faire honneur à cet artiste qu’il semble admirer. 

La Vierge Noire et le Voyou permet à tous les lecteurs d’en apprendre plus sur Francis Poulenc, afin de mieux comprendre l’homme derrière les ballets et les œuvres. Après tout, la question actuelle : « peut-on discerner l’homme de l’artiste ? » se pose très sérieusement. 

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