Titre : Un abri de fortune
Auteur : Agnès Ledig
Édition : Albin Michel
Genre : Contemporain
Pages : 360
Parution : 1er février 2023
« Avec un peu d’amour, on fait de grandes choses. En deux années, mes voisins ont transformé cette bâtisse vosgienne à l’abandon en refuge. Du haut de mon banc et de mon grand âge, je viens chaque jour guetter les changements. Les trois premiers locataires sont aussi cabossés que moi. Un homme qui se remet d’un geste irréparable, une gamine fragile comme un moineau et une femme camouflant la misère sous sa légèreté. Je savais qu’au contact des arbres, des bêtes et du jardin, ils allaient oublier leurs peines et s’offrir un nouveau destin. Quand ils ont fait cette découverte dans les taillis et qu’ils se sont mis à remuer le passé, je me suis demandé jusqu’où tout ça allait les mener. Eh bien, vous allez être sacrément surpris… » Jean
Si vous me suivez depuis un moment, vous connaissez mon amour pour cette auteure. C’est une des auteures qui m’a fait aimer la lecture, une valeur très sûre pour moi. Je n’ai évidemment pas tardé à lire son nouveau titre avec un résumé qui donnait envie de partir dans les Vosges.
À peine commencer la lecture, j’ai compris que je connaissais déjà certains personnages, Jean, le vieux monsieur sur son banc, Capucine et Adrien. Ce sont les personnages du précédent livre de l’auteure La toute petite reine, c’est en quelque sorte une suite, même si ce livre peut se lire indépendamment. Je suis contente de les avoirs lus dans cet ordre.
Cette histoire, c’est avant tout l’histoire d’un lieu, les Censes Perdues, un refuge de nature dans les Vosges. C’est là qu’Adrien et Capucine ont décidé de s’établir, deux ans de travaux pour retaper une ancienne ferme en pleine nature. Ils ont décidé d’accueillir dans ce havre de paix, des gens qui sont brisés, abîmés par la vie. Eux-mêmes l’ont été à un moment de leurs vies. Ils veulent aider ceux qui passent par là, leur tendre la main, les aider à retrouver le chemin de la vie grâce à leur cocon de nature.
Les trois premiers pensionnaires arrivent, Rémy, un homme qui sort d’une mauvaise passe, qui a commis l’irréparable. Karine qui a fait de mauvaises rencontres qui l’ont amené au burn-out et Clémence, une jeune femme d’à peine 18 ans, chétive, que la vie a déjà beaucoup trop malmené.
La nature est là pour les aider à reprendre pied, à sortir de leur peine, à penser à l’avenir, à la vie…
Jean, le vieux sur son banc tout là-haut, va les observer de loin, mais il va voir son passé refaire surface après d’étranges découvertes.
Ils se sont sauvés l’un et l’autre en se sauvant ici. Ils croient à la magie du lien, à l’alchimie humaine quand il est question de courte échelle.
Comment faire une chronique à la hauteur de ce livre ? C’est la question que je me pose depuis que j’ai refermé ce livre et quitté les Censes Perdues.
Je pourrais vous parler de ce livre pendant des heures, tant il est beau, tant il m’a marqué. Mais je vais essayer de condenser et surtout de vous parler de la beauté de l’histoire sans vous révéler tous ses petits secrets.
Il y a beaucoup de personnages dans ce livre, je m’attarderais un peu moins sur Capucine et Adrien, dont je vous avais déjà parlé. Je peux juste vous dire qu’un événement les concernant, principalement Capucine, m’a brisé le cœur. Je l’ai à nouveau trouvé très forte, elle se relève encore des épreuves que le destin met sur sa route.
Il y a aussi Jean, nous avions découvert un bout de son passé dans l’histoire de La toute petite reine. Il est toujours là, fidèle au poste sur son banc en hauteur. Tantôt observateur, tantôt confident, un lien indéniable avec le passé de ces terres. J’ai adoré le fait qu’il soit à nouveau très présent dans l’histoire, pas envahissant, juste là, présent, à veiller sur les terres et sur les jeunes de la grange des Censes Perdues.
Puis, il y a les âmes perdues qui viennent se reconstruire dans ce coin perdu des Vosges…
Rémy, jeune homme sensible qui a un jour commis l’irréparable. Depuis, il se bat pour s’en sortir, cette proposition de venir à la grange est pour une lui une aubaine. Il va retrouver ce sentiment de liberté au milieu des bois et du silence. Son passé le rattrape souvent, mais il est là pour avancer, il va se lancer corps et âme dans les travaux de la ferme, aider Adrien autant qu’il peut. Mais surtout, il va se sentir le devoir de protéger Clémence, cette jeune femme recroquevillée sur elle qui a peur de tout. Un homme patient, à l’écoute, parfois avec le syndrome du super-héros. C’est un personnage que j’ai beaucoup apprécié, il m’a touché par sa gentillesse, par sa force et par sa bienveillance.
Clémence, jeune fille de 18 ans que la vie a bousculée depuis son plus jeune âge. Elle a connu la violence, la mort puis l’hôpital. Elle va être complètement perdue en arrivant à la grange, mais il y a tellement de bienveillance autour d’elle, que petit à petit, elle va s’ouvrir aux autres. Mais surtout, elle va se révéler, se trouver de multiples passions, un amour pour les animaux, la nature, les plantes. Elle va s’épanouir complètement et prendre confiance en elle à la grange. C’est elle qui m’a le plus touché, son côté chétif, ses souvenirs qui la hantent, ses habitudes qu’elle a du mal à laisser derrière elle.
Elle, la petite Clémence, transparente aux yeux du monde et qui pèse à peine plus qu’une portière de tracteur, est aux commandes d’un convoi de plusieurs tonnes.
Et il y a Karine, une belle femme de 45 ans, qui aime se sentir belle, se sentir femme, être regardée. Elle a besoin de ça pour se sentir bien, avoir les regards sur elle, une légère dose de frivolité pour cacher ses démons intérieurs. Elle était prof d’histoire quand son corps l’a lâché à force de supporter bien des choses. Pourtant, elle reste passionnée d’histoire, d’archéologie, ce qui va la conduire à faire de drôle de découvertes durant son séjour. Elle a besoin de reprendre pied, de se libérer du poids de ce qui l’a conduite en thérapie, elle veut retrouver le chemin vers les élèves qu’elle aime tant. C’est malheureusement ce personnage qui m’a le moins touché, je n’ai pas eu autant d’empathie que pour les autres. Pourtant, elle aussi est une battante, une bosseuse, mais il m’a manqué quelque chose pour m’attacher pleinement à elle. Peut-être son côté frivole et désinvolte avec une dépendance affective envers les hommes qui m’ont un peu laissé de marbre. Mais elle a bien sûr, son rôle à jouer dans cette histoire, un rôle primordial même.
Tous ces personnages ont un point commun, ils sont à un stade leurs vies où ils ont besoin de se retrouver, de se reconstruire pour repartir sur de bonnes bases. Ils vont tous prendre plaisir à participer à la vie de la ferme, s’occuper des animaux, du potager, des terres…
Ce livre est énormément basé sur la nature, ce que j’ai adoré. Déjà, l’auteure y parle beaucoup de ce qui a été construit par Capucine et Adrien. Cette ferme qu’ils souhaiteraient autosuffisante, l’importance de la nature.
C’est ça qu’Agnès Ledig a voulu nous partager, les bienfaits de la nature, sur le moral, les émotions, la santé. Tout ce que la nature nous apporte, la beauté, la dureté parfois, quand l’orage arrive un peu plus tôt que prévues. J’ai eu l’impression d’y être, de voir la couleur des fleurs, de sentir la terre dans mes mains, d’entendre les oiseaux dans le silence, de sentir l’odeur du foin fraîchement coupé.
Il y a d’autres sujets abordés bien sûr, comme la violence, principalement sur les femmes, la reconstruction, la dépendance affective, les peurs que l’on peut surmonter. Tous les personnages de ce livre ont connu la violence d’une façon ou d’une autre, c’est leur point commun, ce qui les unit.
Il y a aussi plusieurs passages sur la Seconde Guerre mondiale que j’ai trouvés vraiment intéressants et bien amené. Ce sont les anciens du village qui en parle le mieux, ils racontent, la résistance, les Nisei et leur histoire, j’ai appris beaucoup de choses au cours de ce livre.
J’ai particulièrement aimé l’histoire de la sorcière, cette sage-femme qui aidait les femmes, grâce aux plantes qu’elle connaissait par cœur. Je suis fasciné par tout ce qui touche aux plantes, à leurs vertus, alors j’ai été ravie d’en découvrir un peu plus dans cette lecture, j’ai encore plus envie de peaufiner le sujet.
Des échanges de regards et des sourires tristes résument le combat des femmes depuis la nuit des temps et le chemin qu’il reste à parcourir.
La plume de l’auteure est toujours aussi poétique, on se perd dans la beauté de l’écriture, dans les émotions qu’elle dégage, dans la douceur dans laquelle elle nous enveloppe. Agnès Ledig a ce petit quelque chose en plus, inexplicable, qui vous envoûte, qui vous donne envie de parcourir la nature, d’en prendre soin et de la chérir tout en vous entraînant dans une valse d’émotions.
Ce livre est une merveille, une bulle de bonheur, une plongée dans la nature vosgienne. Des personnages abîmés par la vie qui vont se reconstruire grâce aux bienfaits de la nature. Ce livre est une ode à la nature, à sa beauté, à ce qu’elle apporte, mais aussi une ode à la vie.