Je pense qu'il est presque inutile de vous rappeler le concept de la Suicide Squad : un groupe de criminels qui se voient proposer des remises de peine contre une série de missions dites "suicide" de la part d'une agence gouvernementale secrète, pilotée par Amanda Waller, qui ignore royalement ce que signifie l'éthique. Ce qui est nouveau dans cet album, c'est que la fine équipe composée de Harley Quinn, du Peacemaker, de Captain Boomerang et King Shark va se voir adjoindre un petit peu lot de parfaits inconnus, de la véritable chair à canon utilisée pour un objectif dramatiquement meurtrier. En effet, voilà que depuis quelques temps une créature au pouvoir incommensurable est lâchée sur la planète. Elle n'obéit à aucune de nos règles sociales, si ce n'est l'assouvissement de ses pulsions primaires, comme par exemple manger, se reproduire, déchaîner la violence. Cet ennemi est tellement formidable que même lorsque Superman est envoyé face à lui, c'est pour se prendre une rouste mémorable et finir d'une bien triste manière. Vous l'aurez compris, aller s'y frotter c'est l'assurance d'y laisser des plumes, des os et pire encore. Le discours de fond est en fait intéressant, puisqu'il s'agit de se poser la question de ce qui empêche des individus psychologiquement instables de se comporter comme les véritables patrons de la Terre, à partir du moment où nous nous habituons à la manifestation de leurs dons extraordinaires et que nous n'avons aucune contre mesure efficace à leur opposer, si les choses dérapent. Simon Spurrier est un auteur britannique qui a la particularité d'écrire de nombreuses œuvres d'anticipation où la science débridée occupe une place importante dans l'intrigue. Il est ici épaulé par Aaron Campbell, un dessinateur que nous avions déjà apprécié énormément dans un autre titre publié par Urban comics, Infidel. Sa capacité à créer des planches en apparence brouillonnes mais en réalité extrêmement fouillées et animées par une ambiance glauque, menaçante ou cafardeuse, est des plus pertinentes vu le ton de l'histoire qui nous intéresse aujourd'hui. Blaze pousse le concept de la Suicide Squad à son paroxysme; puisque le groupe est de toute manière monté de toutes pièces dans l'optique d'un trépas prématuré, autant que celui-ci devienne inéluctable et spectaculaire, face à quelqu'un ou quelque chose qu'on ne parvient pas à cerner, à arrêter, et qui laisse derrière lui des types dévorés et vidés de leur sang, un peu partout où il passe.
L'histoire est racontée du point de vue de Michael Van Zandt, un prisonnier qui a clairement quelques problèmes d'estime de soi et fait une fixation sur celle avec qui il a eu une relation sentimentale, elle aussi emprisonnée et incluse dans le nouveau projet d'Amanda Waller. Ces détenus anonymes et hautement sacrifiables vont se voir inoculer plus ou moins les mêmes pouvoirs que ceux de celui qu'ils sont censés chasser; autrement dit, ils vont accéder à des dons incommensurables qui vont être encore augmentés dès l'instant où l'un d'entre eux meurt. Il s'opère comme une sorte de redistribution des pouvoirs et évidemment, à chaque fois, un temps de vie encore plus limité (car oui, le côté négatif de tout ceci c'est que l'espérance de rester en vie baisse drastiquement. Un compte à rebours inexorable) Spurrier offre un récit très sombre et en même temps non dénué d'humour. Il suffit par exemple de parler de ce dont vont avoir besoin le Peacemaker et sa bande, pour tenter de mieux comprendre leur adversaire. Indice, c'est en rapport avec la pilosité masculine… Certains passages peuvent sembler confus, notamment lorsque le scénariste mêle réflexion intime, sentiment de ne pas être à la hauteur, impression de vide et d'incapacité de trouver des stimuli, pour affronter ce qui se prépare. Une forme de neurasthénie existentielle qui vient se confronter à une histoire très violente où les dégâts sont considérables. Mais je le répète, les dessins de Campbell servent magnifiquement le propos et au bout du compte, il s'agit d'un nouvel album fort intéressant à mettre au crédit du Black Label. Quand il n'y a aucune continuité réelle dont il faut tenir compte, quand il y a la possibilité de se lâcher et d'écrire des histoires qui peuvent partir dans les directions les plus inattendues ou les plus choquantes, on a souvent de bonnes surprises et des mini série qui ne peuvent que nous donner l'envie d'investir. Si vous êtes habitués et amateurs du style de Spurrier, Blaze est fait pour vous.