" Le vrai mystère des champignons "
DHÔTEL André
(Klincksieck)
" Prenez la peine de vous rendre sur le terrain, et appliquez-vous à reconnaître les espèces. Les champignons existent non pas dans une vision transcendante mais bel et bien dans celle d'un monde apparent fixé par une étude objective. "
Combien le Lecteur aurait pris de plaisir à accompagner André Dhôtel dans l'une ou l'autre de ses errances automnales, du côté d'Attigny, en ce territoire que le père dudit Lecteur appelait Argonne afin de différencier ce pays-là de celui d'Ardenne qui lui est contigu ! André Dhôtel, le proche voisin du Lecteur, lequel Lecteur n'est point doté d'une connaissance encyclopédique de la société si complexe qui est celle des champignons. Malheureux Lecteur qui reste un piètre connaisseur, Juliette son aïeule lui ayant seulement enseigné la cueillette des rosés des prés. Et Edouard, son aïeul, décédé si tôt, qu'il ne lui reste, à lui le Lecteur, qu'un souvenir imprécis des cèpes et des bolets, des trompettes de la mort, des girolles et des funestes amanites phalloïdes (ainsi que les guillerettes amanites tue-mouches).
André Dhôtel fut présenté précocement au jeune Lecteur. Par son père ou par le plus lettré de ses oncles maternels (qui lui présenta également un autre écrivain d'Ardenne, un certain Jean Rogissart, bolchevique notoire, auquel fut attribué le prix Renaudot en 1937 pour son roman Mervale). En conséquence de quoi, il a lu, ce qui est son rôle et sa fonction, la quasi-totalité de l'œuvre du natif d'Attigny. Il se prit d'admiration pour cet homme discret qui maniait de bien belle manière la langue française et qui lui offrait tant de belles histoires empreintes des mystères qui font les délices de ce pays-là. Il fut donc infiniment heureux d'accompagner l'Ecrivain qui avait obtenu, en 1955, le prix Femina pour le roman qu'il tient en très grande estime Le pays où l'on n'arrive jamais. De l'accompagner, un matin d'octobre, dans une patiente recherche des hôtes des sous-bois, pas très loin d'Attigny. Tout en lisant quelques pages du livre qui explicite ce que sont les mystères des champignons.
" Bref à mesure qu'on analyse les détails des champignons, se confirme une foncière désinvolture. On n'ose même pas dire que ce sont des objets. Si nous parlons d'images, il faut encore constater qu'il s'agit d'images injustifiables. Sans mentionner certains défis comme celui de la lépiote dont le chapeau peut se détacher du pied et s'y replacer aussi bien qu'un bouton-pression, rien que pour montrer que, si le champignon se dérobe à toute apparence sensée, il sait user des subterfuges les plus délicats pour exercer les caprices de son inspiration. "