Éditions Pocket, 2001 (425 pages)
Ma note : 14/20Quatrième de couverture ...
" Ce furent treize rois inconnus, mais réellement rois, et plus que rois, des juges et des bourreaux qui, s'étant fait des ailes pour parcourir la société du haut en bas, dédaignèrent d'y être quelque chose, parce qu'ils y pouvaient tout. "La première phrase
" Il s'est rencontré, sous l'Empire et dans Paris, treize hommes également frappés du même sentiment, tous doués d'une assez grande énergie pour être fidèles à la même pensée, assez probes entre eux pour ne point se trahir, alors même que leurs intérêts se trouvaient opposés, assez profondément politiques pour dissimuler les liens sacrés qui les unissaient, assez forts pour se mettre au-dessus de toutes les lois, assez hardis pour tout entreprendre, et assez heureux pour avoir presque toujours réussi dans leurs desseins ; ayant couru les plus grands dangers, mais taisant leurs défaites ; inaccessibles à la peur, et n'ayant tremblé ni devant le prince, ni devant le bourreau, ni devant l'innocence ; s'étant acceptés tous, tels qu'ils étaient, sans tenir compte des préjugés sociaux ; criminels sans doute, mais certainement remarquables par quelques-unes des qualités qui font les grands hommes, et ne se recrutant que parmi les hommes d'élite. "
Mon avis ...
Balzac fait pour moi partie de ces auteurs que l'on se doit de lire un jour, au moins une fois. Après une première tentative lorsque j'étais au collège, il m'aura fallu attendre la trentaine pour parfois apprécier mais aussi réellement saisir les intrigues qui nous sont ici proposées. Histoire des treize regroupe en effet trois courts romans : Ferragus (1833) ; La duchesse de Langeais (1834) ; La fille aux yeux d'or (1835).
Je ressors de cette lecture avec un ressenti mi-figue, mi-raisin. J'ai trouvé l'ensemble bien trop inégal pour réussir à réellement savourer ces heures où les pages tournaient doucement. Car la plume de Balzac est plutôt exigeante. Et pourtant, j'ai littéralement dévoré Ferragus (l'intrigue m'a transportée). J'ai aussi beaucoup aimé la manière dont l'auteur nous parle de l'amour, et de ce Paris du XIXe siècle qu'il connaissait si bien.
Histoire des treize démarre en nous laissant croire qu'il existerait, dans ce Paris bien mystérieux, une communauté d'hommes liés les uns aux autres par le secret. Mieux vaut cependant ne pas les croiser du tout, tant ces individus se montreraient capables des coups les plus tordus.
Premier roman de la trilogie, Ferragus met en scène un couple uni par le mariage, qui semble voué à résister aux pires tempêtes. Jules Desmarets et Clémence (dite "Madame Jules") entretiennent une véritable passion amoureuse. Si seulement Auguste de Maulincourt, jeune homme de la haute société, n'avait pas croisé la route de la si jolie Clémence au bal... À force de la suivre et de la traquer, le voici en effet qui découvre l'existence d'un sombre secret. De quoi lui attirer des ennuis et s'offrir à moults péripéties. Car un certain Ferragus, personnage pour le moins mystérieux et inquiétant, n'a pas dit son dernier mot lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts de Clémence Desmarets.
Cet écrit reste mon préféré du recueil. J'ai particulièrement apprécié le ton du récit, qui mélange habilement les codes du romantisme avec des scènes d'action dignes d'un roman d'aventures. À la tête d'une société secrète, Ferragus nous est présenté comme un personnage maléfique, mais qui réussit en même temps à nous fasciner. J'ai trouvé les Desmarets attachants, tout comme j'ai ressenti une certaine empathie vis-à-vis d'Auguste Maulincourt dans le rôle de l'amoureux éconduit. Lorsque la vérité éclate, il est trop tard. Qu'adviendra-t-il de nos personnages ?
La duchesse de LangeaisBalzac nous propose ici une intrigue très différente, puisque le lecteur se trouve transporté en plein cœur d'un couvent situé en Espagne. Nous y retrouvons une certaine sœur Thérèse qui, sous la surveillance de la mère supérieure, accepte de recevoir en visite son ancien amant : le général de Montriveau. Autrefois connue sous le nom d'Antoinette de Langeais, la duchesse était réputée pour collectionner les conquêtes au risque de se faire prendre à son propre jeu.
Ah, l'amour. Ici l'auteur n'épargne guère ses personnages... Si j'ai apprécié certains éléments du récit (la tentative d'enlèvement du couvent notamment), d'autres me laissent de glace. À commencer par le personnage de la duchesse de Langeais qui, en grande coquette vaniteuse, était plutôt pénible à suivre. Je n'ai pas réussi à ressentir une once d'empathie à son égard. Ce récit ne fera donc pas date dans ma mémoire.
La fille aux yeux d'orTroisième et dernier volet de l' Histoire des treize, La fille aux yeux d'or nous propose à nouveau une histoire d'amour impossible. Henri de Marsay est un jeune séducteur, sûr de lui et de ses charmes. Bouleversé par la beauté orientale de Paquita, rencontrée lors d'une promenade aux Tuileries, il ne souhaite qu'une chose : en faire sa dernière conquête.
J'ai trouvé ce roman plutôt déroutant tant l'atmosphère qui y règne (mystérieuse, exotique mais aussi sensuelle) transperce les pages. Je ne m'attendais pas du tout à trouver cela chez Balzac. Pour autant, j'ai apprécié la plume de l'auteur qui suggère plus qu'il n'impose. La fille aux yeux d'or explore également la thématique de la passion amoureuse entre deux femmes, plutôt étonnant pour un roman du XIXe siècle, non ? Si ce récit n'a pas été un coup de cœur, j'ai trouvé le tout surprenant à souhait et j'ai littéralement été embarquée par son final (que je ne risque pas d'oublier).
En bref, cette rencontre avec Balzac fut parfois laborieuse mais non dénuée d'intérêt. Ferragus reste et restera mon récit coup de cœur de cette trilogie. J'ai aussi maintenant très envie de poursuivre l'aventure, pourquoi pas en ouvrant La peau de chagrin ou La femme de trente ans.
Extraits ...
" À la manière dont s'entortille une Parisienne dans son châle, à la manière dont elle lève le pied dans la rue, un homme d'esprit devine le secret de sa course mystérieuse. Il y a je ne sais quoi de frémissant, de léger dans la personne et dans la démarche : la femme semble peser moins, elle va, elle va, ou mieux elle file comme une étoile, et vole emportée par une pensée que trahissent les plis et les jeux de sa robe. Le jeune homme hâta le pas, devança la femme, se retourna pour la voir... Pst ! elle avait disparu dans une allée dont la porte à claire-voie et à grelot claquait et sonnait. "