G. Sebald, né Winfried Georg Maximilian (1944-2001) est un écrivain et essayiste allemand. Parallèlement à sa carrière universitaire, il a entamé, à partir de la fin des années 1980, une œuvre littéraire qui a suscité une grande attention avant tout en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis (où Susan Sontag s'est beaucoup engagée en sa faveur) et en France. Sebald a même été pressenti comme candidat sérieux au prix Nobel de littérature.
Si Les Anneaux de Saturne, roman datant de 1995, porte un titre sciencefictionnesque, il n'en est absolument rien et si je m'y suis intéressé c'est parce qu'il y est fait référence plusieurs fois dans une de mes lectures récentes, chez John le Carré (L'Espion qui aimait les livres). J'ai donc ouvert le livre avec un entrain favorable...
Le narrateur, jamais nommé mais certainement l'écrivain, visite à pied le Suffolk, sur la côte est de l'Angleterre. Ce pourrait être un récit de voyage, ce n'en est rien là encore et la suite du roman le démontrera car il mêle différents genres littéraires, les voyages, les biographies, l'exploration de la mémoire etc. Notons aussi, ce qui est une caractéristique de l'auteur dans tous ses livres, l'abondance de photos en noir et blanc. Ce mélange hétérogène ne peut donner qu'un ouvrage un peu étrange, assez fascinant car sans qu'on sache très bien comment, Sebald parvient à enchainer des faits sans rapports les uns avec les autres grâce à une écriture très plaisante à lire.
Si vous vous lancez dans cette aventure, vous irez du Suffolk en Allemagne, des Pays-Bas à l'Afrique et à l'Asie, vous y croiserez Thomas Browne (1605-1682), un écrivain anglican anglais dont les œuvres couvrent une large palette de domaines incluant la médecine, la religion, la science, la sociologie et l'ésotérisme, ou bien Swinburne (1837-1909) poète britannique qui a contribué à l'édition de l'Encyclopedia Britannica, Chateaubriand ou Joseph Conrad et je ne vous parle là que des personnages les plus connus ! Il est aussi question des harengs dont vous saurez tout, de la guerre de l'opium en Chine et ce ne sont que quelques exemples de l'éclectisme des digressions extrêmement documentées constituant le corps de ce livre.
Un roman copieux, très cultivé donc très instructif et pas désagréable à lire, pourtant bien vite je me suis demandé ce que voulait me dire l'écrivain, quelle était la portée de cet ouvrage car moi, je ne l'ai pas compris. Je me suis donc tourné vers ceux qui savent et pour commencer, John le Carré et son bouquin où il fait dire à l'un de ses personnages " c'est un tour de force littéraire, un voyage spirituel qui débute dans les marches du Suffolk et embrasse tout l'héritage culturel européen jusqu'à sa destruction. "
" Aussi étais-je plutôt mal en point le lendemain matin, lorsque je me retrouvai au Mauritshuis, planté devant le portrait de groupe de près de quatre mètres carrés, La Leçon d'anatomie du Dr Nicolaas Tulp. Bien que je fusse venu à La Haye uniquement pour cette peinture qui, d'ailleurs, devait encore me préoccuper énormément durant des années, je ne parvins absolument pas, dans l'état qui était le mien après cette nuit blanche, à rassembler mes pensées à la vue du sujet de dissection allongé sous les regards des représentants de la guilde des chirurgiens. Sans trop savoir pourquoi, je me sentis même agressé par cette scène au point qu'il me fallut près d'une heure par la suite, pour me calmer un tant soit peu... "
W.G. Sebald Les Anneaux de Saturne Babel - 345 pages -
Traduit de l'allemand par Bernard Kreiss