Éditions Le livre de poche, 2022 (343 pages)
Ma note : 19/20Quatrième de couverture ...
" Le fantôme de l'Opéra a existé.
J'avais été frappé dès l'abord que je commençais à compulser les archives de l'Académie nationale de musique par la coïncidence surprenante des phénomènes attribués au fantôme et du plus mystérieux, du plus fantastique des drames, et je devais bientôt être conduit à cette idée que l'on pourrait peut-être rationnellement expliquer celui-ci par celui-là. "
La première phrase
" Ce soir-là, qui était celui où MM. Debienne et Poligny, les directeurs démissionnaires de l'Opéra, donnaient leur dernière soirée de gala, à l'occasion de leur départ, la loge de la Sorelli, un des premiers sujets de la danse, était subitement envahie par une demi-douzaine de ces demoiselles du corps de ballet qui remontaient de scène après avoir " dansé " Polyeucte. "
Mon avis ...
Gaston Leroux est un auteur classique que j'aime beaucoup retrouver lorsque je croise son chemin. Si j'avoue moins apprécier les aventures de Joseph Rouletabille, La poupée sanglante ainsi que La machine à assassiner ont été deux énormes coups de cœur de ma vie de lectrice. Il me fallait donc lire un jour Le fantôme de l'Opéra (1910). Et quel roman ! Je ressors de cette lecture totalement envoûtée et sous le charme. Nul doute que cette intrigue fera date dans ma mémoire tant j'ai aimé frissonner et me suis prise d'affection pour les personnages.
De curieux évènements secouent le quotidien du palais Garnier : le corps d'un machiniste est retrouvé pendu à une poutre, tandis qu'un lustre se décroche en pleine représentation... Et si c'était un coup du Fantôme, ce personnage effrayant qui hanterait la loge numéro 5 ? Tout porte à le croire. Celles et ceux qui ont croisé son chemin n'en sont en tout cas pas vraiment revenus indemnes. Il paraît même que le fantôme hanterait les souterrains de l'opéra. Malheur à ceux qui, en plus d'entendre sa voix, se trouveraient face à son visage (horrible paraît-il puisqu'il rappellerait ni plus ni moins les traits d'une tête de mort).
Je dois dire que cette lecture a su me surprendre, et j'en suis la première ravie. Je ne m'attendais pas à découvrir une histoire d'amour aussi passionnée, celle qui unit le jeune vicomte Raoul de Chagny et Christine Daaé, une célèbre cantatrice. Mais Le fantôme de l'Opéra est bien plus que cela. Le registre fantastique flirte avec les codes du roman policier, tandis que l'atmosphère de ce roman se fait parfois gothique à souhait. J'ai savouré cette lecture comme un carré de chocolat. Ma seule déception a été de devoir refermer ce livre, même si je suis certaine de le retrouver d'ici quelques années pour une relecture.
Côté écriture, je suis toujours aussi séduite par la plume surannée de Leroux. L'auteur use également de quelques traits d'humour : je pense au personnage de Mme Giry, mais aussi au fameux fantôme qui ose rédiger des écrits signés "F. de l'O." en y ajoutant une formule quelque peu cavalière lorsqu'il s'agit de s'adresser aux directeurs de l'opéra : "À bon entendeur, salut !".
Mis à part cette petite note humoristique, le personnage du Fantôme fait littéralement froid dans le dos. Il nous est présenté avec des traits effrayants, un nez écrasé voire inexistant, mais également flanqué d'un habit noir et se promenant aussi silencieusement qu'une ombre. Lorsque celui-ci s'entiche de la jolie Christine, le lecteur découvre alors toute l'ambiguïté du monstre : celui-ci se montre glaçant mais fascinant ; détestable mais ô combien émouvant, autrement dit capable du pire égocentrisme comme de l'amour le plus absolu. Car le tour de force de Gaston Leroux est également de nous proposer des personnages qui ne sont pas manichéens pour un sou, et auxquels on pourrait donc facilement s'attacher. Peu à peu, l'histoire de ce fantôme nous est livrée par petites touches. Et j'étais bien loin de m'attendre à un tel final.
Vous l'aurez compris, je pourrais encore vous parler de ce roman pendant des heures tant j'ai été happée par son atmosphère. C'est bien simple, j'ai eu le ressenti d'être aux côtés de Raoul et de Christine, de me battre avec eux pour faire triompher leur histoire d'amour. Tout comme j'étais là, dans les souterrains et près du lac, avec le Fantôme.
Le fantôme de l'Opéra est pour moi un roman sur l'amour, le pouvoir des mots et de la musique. En un mot : lisez-le ! Il risquerait de vous hanter encore un bon bout de temps, une fois la dernière page refermée.
Extraits ...
" Je criai. Ma voix seule emplissait les murs, car le chant et les violons s'étaient tus. Et voilà que soudain, dans le noir, une main se posait sur la mienne... ou plutôt quelque chose d'osseux et de glacé qui m'emprisonna le poignet et ne me lâcha plus. "