En Amérique latine, une ville en bord de mer à l’embouchure d’un fleuve. Une épidémie inconnue frappe la population du littoral, propagée par un vent rouge (« Tu ne pouvais pas imaginer l’odeur nauséabonde, la chaleur soudaine… »). Les contaminés voient leur peau se décoller (« Ils pèlent, ils finissent la chair à vif »), les hôpitaux sont débordés et le confinement est imposé. La nature n’est pas épargnée, prolifération d’algues dans l’estuaire, poissons morts sur les plages, disparition des oiseaux envolés ailleurs. Dans ce décor lugubre, la narratrice dont on ne saura jamais le nom, tente de survivre, partagée entre les visites à son ex-époux Max, hospitalisé, ou celles à sa mère retirée à l’intérieur des terres moins touchées par l’épidémie ainsi que par la garde de Mauro enfant obèse et simple d’esprit…
Une dystopie loin des effets de peur ou d’angoisse liés à la situation dramatique mais plutôt axée sur l’angle psychologique de la narratrice, ce qui en fait un roman de belle qualité.
Elle en a du courage notre héroïne, car outre les difficultés multiples liées à la situation dont le manque de nourriture, pallié par le gouvernement par une tambouille rosâtre faite de gélatine de viande « centrifugée, mélange de déchets, de tripailles et de tout ce qui restait une fois les morceaux les plus fins retirés », elle doit supporter les visites à son ex pas vraiment aimable et les remontrances permanentes de sa mère. Et puis ce gamin, insupportable, obèse qui ne pense qu’à manger, n’importe quoi même ce qui ne se mange pas, avec lequel toute communication est impossible ; elle s’en occupe en alternance avec ses parents aisés qui vivent loin à la campagne en échange d’un gros salaire et de cageots de nourriture non contaminée quand ils viennent récupérer Mauro. Un salaire qu’elle économise pour une fuite vers le Brésil un jour peut-être ?
Souvenirs de la narratrice, Max qu’elle a connu dès leur petite enfance, Delfa femme à tout faire chez ses parents qui lui servait de mère de substitution. Une mère jamais très présente, hostile à son mariage avec Max, la critiquant souvent, mais dont imperturbable notre narratrice fait l’impossible pour lui rendre service. Leurs échanges verbaux sonnent justes. Quant à Mauro, pénible aussi pour le lecteur, au fil du récit et à l’identique de sa gouvernante, nous apprendrons à mieux l’aimer et le plaindre ce pauvre gosse balloté entre deux foyers qui ne savent qu’en faire.
C’est le point fort de ce livre, l’empathie et l’amour de cette femme pour ceux qui résument son univers, un monde qui s’effondre dû à nos excès consuméristes, sans excès ostentatoires dans la dénonciation et tout en posant d’autres bonnes questions comme celle-ci : « Pour toi qu’est-ce qui compte le plus, la liberté ou la vie ? »
Un bon roman.