Oiseau de proie – Lucy Banks

Ava vient de passer vingt cinq années de sa vie derrière les barreaux. A sa sortie de prison, elle bénéficie d'une nouvelle identité, d'une aide financière et d'un appartement dans la banlieue de Bristol mis à disposition par le gouvernement anglais. A cela s'ajoute le contrôle régulier par une assistante sociale qui a pour but sa réintégration sociale par l'obtention d'un emploi. Elle doit également s'astreindre à un suivi psychiatrique pour que l'on s'assure que tout va bien dans sa tête. Devenue Robin, prénom qu'elle déteste car il signifie " rouge-gorge ", symbôle de l'ironie pour cette fille d'ornithologue qui a passé son enfance rêveuse à regarder voler les oiseaux et qui se retrouve à consumer sa vie en prison. Robin, donc,fait la rencontre de Bill, son nouveau voisin, avec qui elle sympathise et noue une relation. Tout irait pour le mieux si Robin n'était pas la proie d'une mystérieuse harceleuse qui semble l'avoir reconnue. Elle sait ce qu'elle a fait par le passé. Est-ce Amber, la fille de Bill, qui aurait reconnue en elle cette femme accusée du meurtre d'un petit garçon ? Dès lors les fantômes de Robin reviennent la hanter : ce petit garçon, fils d'un amant qui l'a bafouée, la jeune Ditz, sa voisine de cellule qui s'est suicidée, la maîtresse de son père qui lorsqu'elle était enfant cherchait à se débarasser d'elle...

Ava a un lourd passé que l'on découvre au compte-goutte, elle se raconte à la première personne et confie ses sentiments par rapport à sa nouvelle vie. Cette forme de liberté qu'on lui octroie tourne vite au cauchemar: Robin se révèle extrêmement anxieuse d'être reconnue, elle est en proie à des crises de paranoïa et soupçonne Amber, la fille de son ami, de lui en vouloir, de collaborer avec Henry son ancien amant, père de l'enfant qu'on l'accuse d'avoir tué...

Lucy Banks dresse le portrait saisissant d'une psychopathe à qui l'on offre une seconde chance mais qui ne parvient pas à la saisir tant elle est dominée par ses problèmes psychologiques. Elle se surveille elle-même de peur de révéler son passé, or si elle veut reconstruire sa vie, notamment avoir une relation amoureuse, elle se doit d'être honnête et d'avouer ce pour quoi elle a été incarcérée. Elle ne parvient pas à avouer car selon elle, elle n'est pas responsable du meurtre qu'elle a commis. Dès lors, elle se noie dans des mensonges, des dissimulations et sa relation avec Bill part rapidement à vau-l'eau. Elle est sans cesse pourchassée par ses réminiscences qui l'empêchent de vivre sa vie actuelle, elle dissimule à son psychologue son état mental et ment à l'assistante sociale sur ses capacités à renouer avec la société. Après vingt cinq ans passées en prison, Ava n'a pas surmonté les humiliations passées, la haine ressentie est plus que jamais présente. Elle a plus besoin d'aide que de sanction, mais personne n'est là pour s'en aperçevoir, jusqu'à la catastrophe.

Le but de l'auteure est de montrer que l'on ne prend pas correctement en charge les troubles psychologiques des repris de justice. Les incarcérer ne suffit pas. A noter que le titre anglais est Caged little birds qui signifie Petits oiseaux en cage et exprime la fragilité d'Ava, tandis que la traduction française Oiseau de proie insiste plus sur son côté prédateur. Les deux aspects de sa personne apparaissent dans le récit. Ce roman se dévore, le lecteur est happé dans l'univers tortueux de cette femme qui a vécu des évènements douloureux et qui ne les a pas surmontés. Le point de vue est original, lourd de sens, partager le ressenti d'Ava c'est un peu comme lui donner foi parfois, c'est ce qui rend ce roman dérangeant et intrigant.

Je remercie pour cette lecture les Editions Belfond et Netgalley.