À chaque fois que nous jetons un coup d'œil aux listes des parutions futures, c'est toujours dans l'espoir de trouver la date de sortie du nouveau Reckless. En l'espace de 3 tomes, cette série qui n'en est pas une (ce sont en fait des romans graphiques indépendants les uns des autres) est parvenue à se hisser au sommet du genre, c'est-à-dire le polar à la sauce côte ouest américaine des années 1980. La quatrième histoire est toutefois un peu différente des premières. la raison en est simple : le protagoniste principal, Ethan Reckless, n'apparaît que dans les toutes dernières pages; il est en fait occupé par une autre mission dans un San Francisco post séïsme, qui sera l'objet du cinquième volume que proposera Delcourt en fin d'année. Du coup, dans celui-ci, le héros devient une héroïne. Vous l'avez compris, les projecteurs se braquent sur Anna, la jeune fille qui lui sert d'aide de camp, de seule et unique amie au quotidien et qui désormais gère El Ricardo, le cinéma désaffecté qui fait office de quartier général. Désaffecté n'est plus le mot car le lieu a rouvert ses portes et désormais Anna remplit également la fonction de projectionniste, ce qui ne l'empêche pas de dépanner des clients dans le besoin. Comme par exemple Lorna Valentine, cette ancienne actrice des années 1960, spécialiste des films bien sanglants où elle avait l'habitude de pousser de célèbres cris d'épouvante à en faire frémir le public. Elle s'est ensuite reconvertie en présentatrice d'anthologies télévisuelles sous le pseudonyme d'Evillina … mais voici qu'elle vient d'hériter d'un manoir ayant appartenu à une riche famille au destin torturé, qui fut également durant de nombreuses années utilisé comme refuge spartiate pour une communauté religieuse. Le lieu est semble-t-il hanté : on y entend des bruits étranges et un chien a même disparu, alors qu'il y était enfermé. Anna sera-t-elle à la hauteur pour enquêter ?Anna Keller, en réalité. L'ajout du nom de famille trouve un sens, dès lors que la mère de la jeune enquêtrice refait surface, et demande à sa fille d'être présente pour une cérémonie de (re)mariage imminente. L'occasion de passer en revue ces existences de mères célibataires toujours en quête de reconnaissance dans les yeux du premier mâle (mal)venu et d'explorer les expériences traumatisantes qui ont poussé Anna à prendre ses distances. Cette dernière a un peu de mal à vraiment tisser les liens entre tous les micro événements qu'elle explore pour son dossier. Sans compter que le lecteur sait déjà, sur la foi de l'introduction de ce volume, qu'elle va jouer de malchance et se retrouver gravement blessée, sur le point de défaillir, à un moment du récit. La seule question en suspens étant de comprendre si elle va en réchapper, ou si les blessures seront fatales. Une Anna qui semble trouver un peu de cet attrait maternel dont elle est sevrée auprès de sa "cliente" pour qui elle voue une véritable admiration. Ed Brubaker reste fidèle à sa technique de narration, avec une histoire qui se densifie peu à peu, dans laquelle différentes pistes finissent par se télescoper et former une toile à laquelle il est bien difficile d'échapper (un policier qui fait une ronde proactive dans le quartier, le nouveau petit ami de la mère qu'Anna prend en filature, une vieille histoire de trésor caché et de paumés des années 1960...), avec en point d'orgue la scène d'introduction, qui est le climax auquel s'attendent les lecteurs. Il est toujours aussi bien secondé par Sean Phillips aux dessins, avec un story-telling aux petits oignons (comment maintenir l'attention et la tension même dans des parties dialoguées de moindre importance apparente) et une grande maîtrise dans l'emploi des ombres et du clair obscur, dans le savoir faire moins pour en dire plus, le tout éclairé par les palettes crépusculaires ou chaudes, selon les événements, du fiston Jacob. Au final, l'absence d'Ethan s'avère presque anecdotique. D'ailleurs, Anna s'emploie à utiliser certaines de ses méthodes, pour aboutir aux mêmes résultats (et mésaventures). La recette est alors appliquée avec une variation sur le thème, qui ne gâche en rien le plaisir. Reckless, toujours aussi recommandé et recommandable.
Reckless ce fantôme en toi : un quatrième volet au féminin
L'auteur de l'article : universcomics
Voir l'article originalÀ chaque fois que nous jetons un coup d'œil aux listes des parutions futures, c'est toujours dans l'espoir de trouver la date de sortie du nouveau Reckless. En l'espace de 3 tomes, cette série qui n'en est pas une (ce sont en fait des romans graphiques indépendants les uns des autres) est parvenue à se hisser au sommet du genre, c'est-à-dire le polar à la sauce côte ouest américaine des années 1980. La quatrième histoire est toutefois un peu différente des premières. la raison en est simple : le protagoniste principal, Ethan Reckless, n'apparaît que dans les toutes dernières pages; il est en fait occupé par une autre mission dans un San Francisco post séïsme, qui sera l'objet du cinquième volume que proposera Delcourt en fin d'année. Du coup, dans celui-ci, le héros devient une héroïne. Vous l'avez compris, les projecteurs se braquent sur Anna, la jeune fille qui lui sert d'aide de camp, de seule et unique amie au quotidien et qui désormais gère El Ricardo, le cinéma désaffecté qui fait office de quartier général. Désaffecté n'est plus le mot car le lieu a rouvert ses portes et désormais Anna remplit également la fonction de projectionniste, ce qui ne l'empêche pas de dépanner des clients dans le besoin. Comme par exemple Lorna Valentine, cette ancienne actrice des années 1960, spécialiste des films bien sanglants où elle avait l'habitude de pousser de célèbres cris d'épouvante à en faire frémir le public. Elle s'est ensuite reconvertie en présentatrice d'anthologies télévisuelles sous le pseudonyme d'Evillina … mais voici qu'elle vient d'hériter d'un manoir ayant appartenu à une riche famille au destin torturé, qui fut également durant de nombreuses années utilisé comme refuge spartiate pour une communauté religieuse. Le lieu est semble-t-il hanté : on y entend des bruits étranges et un chien a même disparu, alors qu'il y était enfermé. Anna sera-t-elle à la hauteur pour enquêter ?Anna Keller, en réalité. L'ajout du nom de famille trouve un sens, dès lors que la mère de la jeune enquêtrice refait surface, et demande à sa fille d'être présente pour une cérémonie de (re)mariage imminente. L'occasion de passer en revue ces existences de mères célibataires toujours en quête de reconnaissance dans les yeux du premier mâle (mal)venu et d'explorer les expériences traumatisantes qui ont poussé Anna à prendre ses distances. Cette dernière a un peu de mal à vraiment tisser les liens entre tous les micro événements qu'elle explore pour son dossier. Sans compter que le lecteur sait déjà, sur la foi de l'introduction de ce volume, qu'elle va jouer de malchance et se retrouver gravement blessée, sur le point de défaillir, à un moment du récit. La seule question en suspens étant de comprendre si elle va en réchapper, ou si les blessures seront fatales. Une Anna qui semble trouver un peu de cet attrait maternel dont elle est sevrée auprès de sa "cliente" pour qui elle voue une véritable admiration. Ed Brubaker reste fidèle à sa technique de narration, avec une histoire qui se densifie peu à peu, dans laquelle différentes pistes finissent par se télescoper et former une toile à laquelle il est bien difficile d'échapper (un policier qui fait une ronde proactive dans le quartier, le nouveau petit ami de la mère qu'Anna prend en filature, une vieille histoire de trésor caché et de paumés des années 1960...), avec en point d'orgue la scène d'introduction, qui est le climax auquel s'attendent les lecteurs. Il est toujours aussi bien secondé par Sean Phillips aux dessins, avec un story-telling aux petits oignons (comment maintenir l'attention et la tension même dans des parties dialoguées de moindre importance apparente) et une grande maîtrise dans l'emploi des ombres et du clair obscur, dans le savoir faire moins pour en dire plus, le tout éclairé par les palettes crépusculaires ou chaudes, selon les événements, du fiston Jacob. Au final, l'absence d'Ethan s'avère presque anecdotique. D'ailleurs, Anna s'emploie à utiliser certaines de ses méthodes, pour aboutir aux mêmes résultats (et mésaventures). La recette est alors appliquée avec une variation sur le thème, qui ne gâche en rien le plaisir. Reckless, toujours aussi recommandé et recommandable.