Éditions Libretto, 2016 (555 pages)
Ma note : 16/20Quatrième de couverture ...
Qui est la mystérieuse nouvelle locataire de Wildfell Hall ? D'où vient cette artiste qui se fait appeler Mrs Graham, se dit veuve et vit comme une recluse avec son jeune fils ? Son arrivée alimente toutes les rumeurs dans la petite commune et éveille l'intérêt d'un cultivateur, Gilbert Markham. Naît entre eux un amour qu'elle refuse de toutes ses forces. De plus, la famille de Gilbert s'oppose à cette relation et, petit à petit, Gilbert lui-même se met à douter de sa secrète amie. Pourquoi un voisin, Frederick Lawrence, veille-t-il si jalousement sur elle ? Entretiendraient-ils une liaison ? Publié en 1848, La recluse de Wildfell Hall analyse sans concession la place des femmes dans la société victorienne. Ce livre est aujourd'hui considéré comme l'un des premiers romans féministes.La première phrase
" Cher Halford,
La dernière fois où nous nous sommes rencontrés, tu m'as fait un récit très détaillé et très intéressant des événements les plus remarquables survenus dans ta vie avant que nous fassions connaissance ; puis tu m'as demandé, en retour, de me confier à toi. "
Mon avis ...
Sept ans après avoir lu Agnès Grey, il me tardait de retrouver la plume de la plus jeune des sœurs Brontë : Anne. Publié en 1848, La recluse de Wildfell Hall est un roman d'une modernité rare pour son époque. Je l'ai tout simplement dévoré, et apprécié même s'il n'a pas, selon moi, la force de Jane Eyre ou des Hauts de Hurlevent (qui font partie de mes intrigues préférées de tous les temps).
Chez les Markham, une famille de riches fermiers, les rumeurs vont bon train. Une certaine Helen Graham se serait installée avec son jeune fils à Wildfell Hall, une demeure somptueuse mais laissée quelque peu à l'abandon. La digne locataire y recevrait fort peu, préférant mener une vie d'extrême solitude tout en s'adonnant à sa passion : la peinture. Alors dans le village, les questionnements se multiplient : qui est cette jeune femme, d'apparence plutôt froide, qui ose même ne pas se présenter à l'église ? D'où vient-elle ? Si Rose et Gilbert Markham semblent se lier d'amitié avec leur nouvelle voisine, Eliza Millward, verte de jalousie car fiancée à Gilbert, n'hésite pas à colporter de nombreux ragots... D'autant qu'un certain Mr Lawrence semble rôder de manière évidente aux alentours de Wildfell Hall. Scandaleux lorsque l'on sait que Mrs Graham est une jeune veuve tout ce qu'il y a de plus respectable !
Découpé en trois parties, ce roman fait la part belle aux pensées et sentiments de ses protagonistes. Nous suivons dans un premier temps Gilbert Markham, un jeune homme plutôt sympathique, avant d'ouvrir le journal intime d'Helen Graham. Le final, quant à lui, fait tomber les barrières et les non-dits. Malgré quelques longueurs (qui font que je suis passée à côté d'un coup de cœur), j'ai littéralement adoré rencontrer le personnage de Mrs Graham, une héroïne forte, courageuse, d'une extrême droiture qui, malgré un mariage malheureux, réclame le droit au bonheur dans une société victorienne où les femmes n'ont que très peu leur mot à dire.
Anne Brontë dénonce ici la condition féminine de son époque. Seule porte de sortie pour espérer vivre un quotidien parfois plus prospère (les mères et les tantes courent bien sûr après les meilleurs partis des alentours en dépit de la question de l'amour et des sentiments), le mariage se révèle ici être une véritable prison, et même un enfer, pour Mrs Graham. Violence, alcool, mauvaises fréquentations... on pourrait se demander si Anne Brontë ne s'est pas inspirée du vécu de son frère, Branwell, pour écrire ce roman. Quoi qu'il en soit, on ne peut que compatir au désespoir d'Helen Graham, héroïne que j'ai trouvée extrêmement touchante. J'ai beaucoup aimé la suivre dans ses péripéties avec son petit garçon, Arthur.
La recluse de Wildfell Hall possède à mes yeux plusieurs défauts : des longueurs (je le répète), mais aussi un aspect très religieux déjà présent dans Agnès Grey et que l'on retrouve peut-être moins avec Charlotte et Emily Brontë. On devine également assez vite ce que souhaite cacher Mrs Graham. Pour autant, j'ai trouvé la plume d'Anne Brontë pour le moins immersive tout en renouant (avec bonheur) avec ce côté landes sauvages et paysages désolés de l'Angleterre du XIXe siècle. La recluse de Wildfell Hall est un roman très victorien, à lire assurément pour le portrait de son héroïne dont on ne peut qu'admirer la force de caractère. Je vous recommande également chaudement la version mini-série proposée par la BBC (en 1996).
Extraits ...
" On peut lire au fond du cœur d'un être humain, on peut découvrir la grandeur, la profondeur d'une âme en soixante minutes comme on peut mettre toute une vie à découvrir une âme si un être humain décide de cacher ses sentiments ou si l'on n'est pas assez compréhensif. "
" Elle n'est pas aussi parfumée qu'une rose d'été, mais elle a résisté à des épreuves qu'aucune d'elles n'aurait pu supporter : la pluie froide de l'hiver a suffi à la nourrir, et son pâle soleil à la réchauffer ; les vents n'ont pu la décolorer ni briser sa tige, et le gel n'a pu la faner. Regardez Gilbert, elle est encore fraîche et épanouie comme une fleur peut l'être, même avec de la neige sur ses pétales. La voulez-vous ? "