Velma une prostituée a été assassinée, pour ne pas dire massacrée, sans qu’aucune enquête sérieuse n’aboutisse ou n’ait réellement débuté. Fortune, son mac, s’adresse à l’ex-inspecteur Chess pour retrouver les coupables, quel qu’en soit le prix, dans tous les sens du terme…
Encore un polar banal diront certains et au vu de ce minuscule résumé ils n’auraient pas tort si l’auteur n’était pas Hugues Pagan et c’est ce qui fait toute la différence. Ce n’est que le deuxième roman de l’écrivain que je lis mais quel style, quelle classe ! Tant qu’il y aura des écrivains comme Pagan, le polar ne mourra pas.
Pour ce qui est de l’intrigue : Chess, la cinquantaine, a été réformé de la police pour motif médical, amateur de jazz, d’alcools et de cigarettes, il en a beaucoup vu, trop même, et il regarde le monde d’un œil désabusé, écœuré par son ancienne boite, l’Usine, où ses ex-collègues de la police usent et abusent de leurs pouvoirs, où leurs méthodes n’ont rien à envier à ceux d’en-face, les truands, où tout le monde palpe du bas en haut de la hiérarchie… Macs, policiers ripoux, tueurs, petites frappes, prostituées, indics, la faune du marécage est riche et les plus forts becquent les plus faibles.
Dans cette boue, un peu d’amour avec Dinah « une grande et belle femme, sombre et voluptueuse », flic de son métier. Un type d’un certain âge et désabusé avec une plus jeune ne peut se permettre de faire des projets d’avenir. Je n’en dis pas plus mais vous devinez que le/les coupables de l’assassinat sont répartis entre truands avérés et flics du même bois… et que l’épilogue nous laisse sur une fin ouverte autant que magnifique où la mort du coupable dépend de la survie de l’aimée.
Excellent roman superbement écrit et jouant principalement sur les ambiances, nuit, pluie, jazz (et l’auteur en connait un rayon), nausées causées par les pourris, amour qui n’ose pas dire son nom. Un de ces bouquins que j’aime lire volontairement lentement pour m’immerger totalement dans l’ambiance et savourer l’écriture. Sombre et superbe, du Pagan j’en veux encore !
« - Etouffer de la monnaie, tout le monde le fait… N’importe quel parlementaire, le moindre élu local… L’ère du pognon facile, Duke… Ni toi ni moi n’y pouvons quoi que ce soit… Pourquoi pas les flics ? J’ai dû hausser les épaules. Duke a tourné la face vers moi. IL n’y avait ni dégoût, ni amertume dans ses yeux gris, rien qu’une sorte de surprise blessée. (…) A présent, il était devenu trop maigre, et il avait trop l’air d’un homme traqué. C’est long, la traque, c’est fatigant… »