Ernst Wiechert (1887-1950) né en Prusse-Orientale est un écrivain de langue allemande. Publié à des millions d'exemplaires, entre les années 1930 et 1950, il est un des auteurs les plus lus en langue allemande. Opposé au nazisme, il est interné à Buchenwald en 1938 et à la sortie de la guerre, il part en Suisse où il s’éteindra. Le Buffle blanc, roman écrit en 1937 mais publié en 1946, vient d’être réédité dans une nouvelle traduction.
Dès sa naissance sur les bords du Gange, le jeune Vasudeva s’est vu affublé d’un sombre présage « Il vivra intensément, prononça le père quand on finit de tout lui raconter, mais il aura du sang sur les mains. » Encore tout jeune, quand une bande de pillards attaque le village, l’arc tendu de Vasudeva est retenu à la dernière seconde par sa mère, « La flèche n’est pas le meilleur chemin vers la justice ». Cette passivité acceptée par les siens n’est guère appréciée du jeune homme, avec quelques autres de son âge il part à l’aventure et devient un hors-la-loi semant la terreur avec son épée lui conférant puissance et pouvoir. Pourtant, au fond de son cœur, il sait qu’il est dans l’erreur. Longtemps plus tard, il reviendra au village près de sa mère avant de rejoindre un Saint, ermite et vieux sage qui lui enseignera les grandes vérités de la vie. Ces multiples péripéties aboutiront au dernier acte de sa vie quand il assiste impuissant à la mort du buffle blanc d’un vieillard, tué par les sbires du seigneur et tyran se prenant pour le Dieu de la région. Seul et contre l’avis de tous, il va aller lui demander réparation et justice…
Roman philosophique particulièrement bien écrit, voire poétique, l’écrivain utilise la forme du conte oriental, comme l’aurait fait par exemple Montesquieu dans Ses Lettres Persanes, pour mieux dénoncer les dangers de son époque et ici la montée du nazisme. Roman sur la vanité du pouvoir et la violence, Vasudeva l’a connue et pratiquée avant de comprendre son erreur et de s’en repentir en se consacrant à la révolte portée par son désir de justice. Et ce, même au prix de sa propre mort et de ce qu’il a de plus cher au monde à savoir sa mère. Comment résister à la tyrannie des puissants sans sombrer dans la violence ?
L’épilogue est magnifique, Vasudeva et le tyran s’opposent verbalement ; notre héros obtiendra gain de cause in fine mais au prix fort car le second enfermé dans ses principes et croyances n’a pas la force ou le courage de se déjuger bien qu’il ait compris le message porté par Vasudeva.
Excellent roman que je vous recommande vivement car intemporel.