Junk Food : Les dessous d’une addiction
Par Emilie GLEASON & Arthur CROQUE
Chez Casterman
Avertissements de contenu : Troubles alimentaires (TCA), addictions (nourriture, alcool, drogues), vomissements, culte du corps, phsychophobie.
Zazou, jeune anorexique de 24 ans au tempérament impétueux, participe à sa première réunion des food addicts, très proche de celles bien connues des Alcooliques Anonymes. Épaulée par sa marraine Bambi, la jeune fille va faire la connaissance de différents malades qui racontent leurs vécus au groupe. Au fil des témoignages, les dangers de la malbouffe et de la surconsommation de sucre se révèlent, et Zazou comprend pourquoi il s’agit de la première drogue consommée au monde.
Basés sur de véritables témoignages recueillis aux États-Unis et en France, cette enquête lève le voile sur un produit qui est passé jusqu’à maintenant très largement sous les radars des politiques de promotion d’une alimentation saine.
Durant ma licence de psychologie (oui, j’ai beaucoup de casquettes), je me voyais bien travailler en addictologie. Au sein même de notre département, les enseignants-chercheurs se tiraient dessus sur cette fameuse addiction à la nourriture. Un bouquin comme Junk Food : Les dessous d’une addiction, c’est tout bénèf’ par son format : une bande dessinée colorée qui transmet la parole de personnes entièrement concernées par cette addiction.
L’image, il faut quand même s’y habituer. C’est un peu le bazar, toutes ces couleurs et ces personnages aux angles et aux corps difformes. Mais deux, trois, quatre pages plus tard, c’est tout bon, on s’y est fait ! Au contraire, je trouve que cette manière de mettre en forme les personnages permettent justement de se détacher du corps, souvent coupable – en plus de notre cerveau – des troubles alimentaires. Ce que j’ai apprécié, c’est que les gros sont gros et les très maigres sont très maigres. Et il y a également les gens entre les deux, les boulimiques qui se cachent derrière un corps très musclé ou juste un corps basique. Ainsi, le traitement de l’addiction à la nourriture (et du corps) est très réussi avec les illustrations d’Émilie Gleason.
Les mouvements sont également assez exagérés, nous offrant un voile doux face à la dureté du sujet. Les images sont drôles mais ce qu’elles veulent dire ne l’est pas forcément. Ce contraste m’a touché, je ne m’y attendais pas autant.
Nous sentons également que Junk Food : Les dessous d’une addiction est un ouvrage extrêmement bien documenté. Des publications ont été lues, le lecteur peut même y lire des bribes d’interview des chercheurs sur le sujet via les recherches anxieuses de Zazou, notre protagoniste. Cette dernière a une action passive dans l’ouvrage, elle est emmenée par sa marraine dans la réunion, l’empêchant ainsi de faire demi-tour. Zazou, c’est un profil qu’on rencontre souvent en psychologie : intelligente, douée, major de promo. De prime abord, c’est juste une adulte qui réussit. Mais si on creuse… l’addiction. La multiplicité des profils décrit dans la bande-dessinée m’ont vraiment enchanté. Y’a des vieux, des jeunes, femmes ou hommes, addict qui se sont sevrés d’une substance pour passer à la junk food, il y a ceux qui replongent, il y a ceux qui réussissent à s’en sortir, des personnes dans le déni, des personnes qui comprennent un peu que trop bien ce qui leur arrive. Il y a aussi la réalité de la vie, les proches qui comprennent pas et qui enfoncent.
Il n’y a pas de bons ou de mauvais addicts, il n’y a pas de bons ou de mauvais rétablissements. C’est bien quelque chose à se mettre en tête.
Junk Food : Les dessous d’une addiction est réussi. Je ne m’attendais pas à une telle claque, à une telle réussite et surtout à un tel professionnalisme dans son écriture ! Je le recommande vivement.