" La Paix des ruches "
RIVAZ Alice
" La société des abeilles est bien plus ancienne et évoluée que celle des hommes. Qui sait par quels stades elle a passé pour en arriver à cette organisation si parfaite de la vie et du travail ? Qui sait si une des conditions de cet état de perfection ne fut pas la mise hors-jeu méthodiquement voulue et opérée, des mâles trublions. Les sacrifier de toute façon une fois leur rôle de mâle rempli, ceci afin que la ruche vive, prospère, continue. Il a fallu peut-être des millénaires de désastres continus et la menace d'une disparition complète de l'espèce abeille pour que les abeilles en arrivent à cette extrémité, qui sait ? "
Jeanne n'aime plus son mari. Elle tient un journal dans lequel elle relate ses observations relatives à ses collègues de travail, hommes et femmes qui lui donnent à voir non seulement la complexité de leurs relations mais aussi la prédominance assortie d'une violence qui la plupart du temps ne se dissimule même pas des mâles à l'encontre de celles qui sont leurs épouses ou leurs compagnes. Un journal écrit dans l'immédiat après-guerre, la Seconde qui fut mondiale. Un journal qui s'accompagne de références à d'autres guerres, et en tout premier lieu la guerre d'Espagne dont le souvenir est alors bien présent dans les mémoires. Des guerres qui sont les révélateurs de la violence dans laquelle se complaisent les mâles.
Publié en 1947, La Paix des ruches est un roman auquel le qualificatif de précurseur sied à merveille. Si le Lecteur en croit la note de l'Editeur (quatrième de couverture), il parut en effet deux ans avant Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir. Mais il traite de la question du féminisme de manière théorique. C'est une œuvre à fleur de peau, ancrée dans son vécu, qu'a élaborée Alice Rivaz. Une helvète confédérée, genevoise de surcroit. Donc et très probablement nourrie en ses vertes années à la mamelle protestante.