Harper Collins – 2022 – 208 pages
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V. vient d’apprendre que sa mère est morte – son corps sans vie a été rejeté par le fleuve Saint-Laurent, sur une plage de la Gaspésie. Elle prend la décision de vider la maison familiale seule, de se confronter aux souvenirs. Elle descend un matelas au milieu du salon aux immenses fenêtres ouvertes à tous les vents et se fabrique un îlot – avec pour seule compagnie les cahiers de sa grand-mère qu’elle vient de découvrir et qu’elle s’apprête à lire – comme une naufragée. La jeune femme se coupe du monde et vide la maison de la présence de sa mère. Ses seules échappées se font au bar du coin, où elle rencontre une femme aux cheveux flamboyants.
L’écriture est à la fois déroutante et captivante – la poésie qui s’en dégage m’a totalement conquise, dès les premiers mots. C’est une écriture volcanique qui bouleverse le langage comme ce « sourire d’année-lumière » ; les mots comme des roches brutes qui, con-frontées les unes aux autres, font des étincelles. « Nous deux devant la maison de notre mère. Sa maison qui grince bleu et blanc même quand y vente pas. Sa maison qui craque jusque dans le ventre. »
Des fragments de poèmes ponctuent le texte, en italique – la voix de la mère. Des fragments des cahiers manuscrits de sa grand-mère. Et la voix de V. : 3 voix qui se superposent, se croisent et s’entremêlent – faisant jaillir le passé familial. De 1968, la naissance de sa mère à 1992, la naissance de V., quelques mois après la mort de sa grand-mère – Qu’elle n’a donc jamais connue. « Ma grand-mère ma mère moi. Trois lignes infinies sur un plan cartésien, qui essaient de se toucher sans arriver à se trouver. »
J’ai aimé l’entremêlement de ces trois destinées féminines, j’ai aimé voyager de la Gaspésie aux plages de sable noir et aux falaises d’Islande, à Vík – me sont revenus en mémoire mes propres souvenirs de ce fabuleux pays : déchaînement des éléments, rugosité de la terre, vertigineuses falaises, volcans endormis : sous la plume de Virginie DeChamplain, c’est une Islande peuplée de fantômes. Vous l’aurez compris, Les Falaises est un roman qui m’a ravie.