Ne lâche pas ma main (Didier Cassegrain – Fred Duval – Michel Bussi – Editions Dupuis)
La vie est belle pour les touristes qui logent à l’hôtel Alamanda, un endroit paradisiaque situé à Saint-Gilles-les-Bains, sur l’île de la Réunion. Mais le rêve peut vite se transformer en cauchemar. Alors que sa fille Sofa joue à la poupée au bord de la piscine et que son mari Martial lit un livre à l’ombre d’un parasol, Liane Bellion sort lascivement de l’eau, en veillant bien à ce que tout le monde la remarque, et annonce qu’elle remonte une seconde dans leur chambre. Un épisode anecdotique dans une après-midi de vacances tout à fait banale. Sauf qu’une heure plus tard, la jeune femme n’est toujours pas redescendue. Inquiet, Martial demande à d’autres vacanciers de jeter un oeil sur sa fille pendant qu’il se met à la recherche de Liane. En arrivant dans la chambre, il découvre une véritable scène de crime: toutes les affaires sont renversées sur le sol et il y a des traces de sang sur le lit, les murs et les rideaux. Quant à Liane, elle s’est volatilisée. Immédiatement, Martial Bellion demande au personnel de l’hôtel d’appeler la police. C’est la capitaine Aja Purvi, dont les parents ont travaillé toute leur vie à l’hôtel Alamanda, qui est chargée de l’enquête. Après avoir interrogé le mari, les salariés de l’hôtel et les autres vacanciers, elle doit se rendre à l’évidence: tout indique que c’est Martial Bellion qui est le suspect numéro un dans la disparition et sans doute le meurtre de sa femme. Alors qu’il avait prétendu être resté au bord de la piscine pendant une heure, il apparaît qu’il est en réalité remonté une première fois dans sa chambre 45 minutes plus tôt et qu’il a été vu dans les couloirs de l’établissement avec un chariot de linge qui aurait très bien pu servir à transporter le corps de sa femme. Autres éléments troublants: l’analyse du sang retrouvé dans la chambre révèle qu’il s’agit bien de celui de Liane Bellion, tandis que Christos, l’adjoint d’Aja, découvre qu’il manque un couteau à découper dans le kit barbecue qui se trouve dans la chambre. Martial nie les accusations en bloc mais avant même que les policiers ne puissent le placer en garde à vue, il s’enfuit avec sa fille. Aja et Christos se disent alors qu’ils vont rapidement pouvoir le rattraper, d’autant plus qu’il roule dans une voiture de location facilement reconnaissable. Mais ils ignorent que Martial connaît extrêmement bien la topologie de l’île de la Réunion car il y a vécu pendant neuf ans. Et à l’époque, il avait déjà été mêlé à une mort suspecte. Commence alors une course-poursuite au cœur de la nature luxuriante de l’île, tandis que les révélations et les cadavres s’accumulent…
Adapter un roman en bande dessinée est loin d’être une chose aisée. Pour le dire franchement, il arrive souvent que cela donne lieu à des véritables catastrophes. On ne peut donc que se réjouir du travail remarquable du scénariste Fred Duval et du dessinateur Didier Cassegrain, qui ont manifestement trouvé la formule gagnante pour adapter en bande dessinée les livres pourtant complexes de Michel Bussi. Il faut dire que les deux compères peuvent compter sur l’aide du romancier normand en personne, dont on connaît la passion pour le neuvième art. Après l’excellent « Nymphéas noirs », paru en 2019, le trio s’est reformé pour cette version BD de « Ne lâche pas ma main », un thriller haletant au cœur de l’île de La Réunion. Et on peut dire que c’est à nouveau une sacrée réussite! Dans cette BD qui se lit de manière très fluide, les auteurs parviennent à conserver la substantifique moelle du livre original, en ne perdant jamais le fil de l’intrigue et en portant le suspense à son paroxysme. La grande force de cette adaptation BD de « Ne lâche pas ma main » est qu’elle garde le lecteur dans l’incertitude de la première à la dernière page, en le menant à plusieurs reprises sur de fausses pistes, comme Michel Bussi adore le faire dans ses romans, souvent très bien construits. Le récit est haletant, mais aussi émouvant, grâce à des personnages très forts. Il y a bien sûr Aja la gendarme déterminée qui doit se battre avec ses supérieurs, Martial le mari suspect qui cache bien son jeu, ou Sofa la petite fille qui se pose beaucoup de questions sur le comportement de son père. Mais surtout, il y a Christos Konstantinov, surnommé « Prophète », et sa compagne Imelda, surnommée la « Miss Marple cafrine ». Ce vieux flic baba cool et sa plantureuse petite amie, qui a cinq enfants de trois pères différents, amènent de la légèreté et du sourire dans cette affaire plutôt sordide, tout en contribuant activement à l’enquête. Enfin, si « Ne lâche pas ma main » est une incontestable réussite, c’est aussi grâce au décor de l’île de la Réunion, qui n’est pas juste là pour faire joli mais qui joue un rôle primordial dans la course-poursuite trépidante entre Martial et la police. Pour bien saisir l’ambiance et la topologie de l’île, Didier Cassegrain s’est d’ailleurs rendu sur place pour faire des repérages. Après le succès de « Nymphéas noirs » et « Un avion sans elle » (réalisé par le tandem Duval-Bussi avec le dessinateur Nicolaï Pinheiro), « Ne lâche pas ma main » confirme une nouvelle fois qu’entre Michel Bussi et la bande dessinée, c’est décidément une grande histoire d’amour.