" Sister Deborah "
MUKASONGA Scholastique
Ce roman de Scholastique Mukasonga n'est pas celui qui laissera chez le Lecteur un souvenir impérissable. Mais, ceci énoncé, il a tout de même suscité chez lui un intérêt non négligeable. Ne serait-ce qu'en raison du sujet central qui en constitue l'épine dorsale : l'irruption durant les années 1930, en Afrique de l'Est, des églises protestantes qui s'en vinrent concurrencer la place dominante qu'occupait jusqu'alors l'église catholique, laquelle œuvrait en parfaite harmonie avec la puissance colonisatrice (en l'occurrence et pour ce qui concerne ce roman, dans ces contrées de l'Est africain, la Belgique). Les nouveaux évangélisateurs sont originaires des Etats-Unis d'Amérique. Ils usent de méthodes qui leur valent de conquérir des esprits cependant prompts à marier les nouvelles croyances à celles qui prévalaient autrefois dans leurs sociétés dites primitives. C'est ainsi que le pasteur Marcus eut l'idée d'annoncer dans ses prêches l'arrivée imminente d'un nouveau Messie, noir celui-là. Une annonce relayée par Sister Deborah, dont les prophéties proclamaient que ce Messie tant espéré serait une femme, femme noire de surcroit.
Scholastique Mukasonga juxtapose dans son roman deux formes de récit censées se compléter : le conte, dans sa tradition africaine, celle que l'Auteure manie avec une évidente jubilation, et l'analyse quasiment sociologique qui est le fait de miss Jewels, jeune femme rwandaise formée par les universités des pays colonisateurs (miss Jewels qui fut autrefois Ikirezi, une fillette fragile et maladive que Sister Deborah sauva du désastre).
Donc un roman non négligeable qui tente d'éclairer le Lecteur sur les infiltrations perpétrées par les églises protestantes dans des sociétés africaines placées alors sous le joug des colonisateurs. Une tentative plutôt réussie, même si le Lecteur s'est parfois égaré dans le labyrinthe d'un récit protéiforme.