Grand Design, pour les plus distraits d'entre vous ou les nouveaux venus qui ne sont pas encore au courant, c'est une série d'histoires qui reviennent en détails sur le parcours éditorial d'un groupe de personnages ou un héros en particulier, à travers une narration et un traitement graphique très différent de ce qu'on est habitué à lire dans le monde super héroïque. Quand on parcourt les albums Grand Design des X-Men ou des Quatre Fantastiques, on est par exemple rapidement happés par les longs run historiques, tous ces moments fondateurs durant lesquels ces équipes ont acquis une gloire éternelle. Par exemple, ceux de Chris Claremont ou John Byrne. Avec Hulk, la situation est quelque peu différente. Il faut être honnête : quand on essaie d'embrasser l'intégralité du passé du géant vert, on se retrouve avec toute une série d'histoires rocambolesques, de retournements de situation qui se contredisent, de coups de théâtre qui avec le temps ont tout de même assez mal vieilli. Ça manque d'unité, de moments légendaires et intemporels, tout vient contredire tout. Alors du coup, ce Grand Design ne cache rien accepte le caractère chaotique et hiératique de la carrière de Hulk et tente de la résumer à sa manière, c'est-à-dire en alternant des strips dessinés avec des pleines pages qui célèbrent des événements capitaux. De l'instant où l'exposition aux rayons gamma transforme Bruce banner en Hulk, aux premières rencontres face au Leader et l'Abomination, sans oublier l'inévitable Betty Ross, qui est un coup la femme idéale et l'autre coup une déception sentimentale cruelle, en passant par le mariage l'impératrice Jarella ou un voyage dans le royaume subatomique. On n'oublie pas un saut sur la planète du Battleword, durant les Guerres Secrètes, où Hulk sauve les autres super-héros de l'écrasement au sein d'une montagne colossale. Hulk passe progressivement de la bête de foire stupide, chassée par tous, au statut de héros, et il acquiert peu à peu ses lettres de noblesse, sans qu'on comprenne vraiment où les scénaristes veulent en venir. Chacun est en occupé à raconter un morceau de la légende sans se soucier de savoir s'il va y trouver une place harmonieuse.
La seconde partie de ce Grand Design commence en 1984 avec les nouveaux épisodes scénarisés et dessinés par John Byrne. On arrive alors au mariage de Bruce et Betty, durant lequel Rick Jones est gravement blessé, puis on enchaîne sur la période Joe Fixit, le Hulk gris et garde du corps, sarcastique à souhait, pour passer à la période Peter David-Gary Frank, avec un petit clin d'œil pas piqué des verts au Savage Dragon d'Erik Larsen (entre les deux scénaristes, il y avait comme un léger contentieux à l'époque). Les moments les plus récents sont à l'honneur avec World War Hulk tandis que d'autres phases, qui auraient pu être, voire dû être de grandes pages d'histoire des comics, comme Heroes Reborn/Return, sont traitées en une seule planche. Pour vous dire à quel point ça a marqué les esprits, surtout du côté de Hulk. Jim Rugg démontre qu'il est possible d'embrasser soixante ans de carrière d'un personnage en se concentrant sur l'essentiel et en simplifiant à l'extrême les enjeux, pour des lecteurs complètement novices ou au contraire nostalgiques. Du côté du dessin, la technique est simple : Rugg excelle dans l'emploi du collage, avec une approche artistique très pop, que viennent compléter les illustrations beaucoup plus détaillées, dès lors qu'il s'agit de présenter les grands moments iconiques de la carrière du géant vert. Rugg n'invente rien, son travail est de choisir, organiser, clarifier. Sa méthode est de passer à travers le tamis de son inspiration et de son amour pour le personnage tout ce qui a été écrit, du pire au meilleur. Grand Design est incontestablement une nouvelle réussite, malgré la certitude que Hulk méritait mieux que certaines des aventures qui lui ont été attribuées. Le pire, c'est qu'aujourd'hui encore on assiste un peu à tout et n'importe quoi. Regardez la grandeur et l'inspiration de Al Ewing et le côté régressif qui a suivi juste après, avec Donny Cates. À croire que c'est inéluctable !
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