Mort à crédit second roman de Louis-Ferdinand Céline paru en 1936 est un texte autobiographique mais très largement bricolé et arrangé. Le roman se découpe en trois parties pour le lecteur :
Acte 1, Ferdinand est médecin dans la banlieue parisienne dans un dispensaire, suite à diverses péripéties, ses problèmes de sommeil et de bourdonnements d’oreilles, il est pris d’hallucinations et d’un délire très célinien par son écriture qui explose, en venant à revivre ses souvenirs d’enfance, et le roman de débuter. Nous sommes au début du XXème siècle, avant la Grande guerre, Ferdinand végète entre ses parents commerçants à qui il en fait voir de toutes les couleurs, ratant tout, rejeté de tous, dégouttant et répugnant, menant ses géniteurs à la ruine pour son éducation. Cette partie est très dure et très triste.
Acte 2, le gamin est expédié en Angleterre sur les conseils de l’oncle Edouard (seul personnage ayant un minimum d’affection pour le gamin dans le roman) pour parfaire son éducation et s’initier à l’anglais, déjà devenue la langue qui vous pose un commercial, ce qui devrait lui ouvrir les portes du marché du travail à son retour. Cette partie m’a beaucoup amusé avec entre autres une grandiose scène burlesque de vomi.
Acte 3, Ferdinand revenu en France (sans rien n’avoir appris de l’anglais) s’évertue mollement à trouver un boulot au grand désespoir de ses parents, il en viendra à se battre avec son père (dur, dur !) et c’est encore l’oncle Edouard qui l’aide. Finalement il trouve un job auprès d’un « savant » farfelu, aux idées saugrenues, et après de multiples échecs, embarque sa femme et Ferdinand dans une aventure encore plus extravagante, créant un phalanstère à la campagne, pensionnat pour gamins (en escroquant les parents) et technique moderne autant que foireuse de culture des pommes de terre ! Un final dramatique pour le « savant » et Ferdinand se retrouve à la rue, ne pouvant que retourner chez son oncle qui une fois de plus se propose de l’héberger et l’aider, mais Ferdinand désire s’engager dans l’armée… sujet d’un prochain roman.
Le roman est trop long pour mon goût mais à part ça, quelle claque ! On dira tout ce qu’on voudra de l’écrivain (je ne parle que de littérature ici) mais ce mec à inventé une autre langue ! Rappelez-vous que nous sommes en 1936 ! Pour paraphraser une célèbre réplique des Tontons flingueurs, Céline, la langue française « Aux quatre coins d'Paris qu'on va la retrouver, éparpillée par petits bouts façon puzzle... Moi quand on m'en fait trop j'correctionne plus, j'dynamite... j'disperse... et j'ventile...", certains passages sont ahurissants, une gouaille extravagante faite de démesure et d’exubérance, argot et néologismes (« Il a fallu que je m’onguente ») ; le récit drope, cavale à tout berzingue, le lecteur peine à suivre, submergé, doit faire des pauses, se demandant même parfois si ce qu’il lit est écrit en français ?
Bien entendu il y a du sexe, de la scatologie et diverses horreurs, on enrage devant ce Ferdinand qui tue à petit feu ses parents et dont la règle de vie semble être « Je retournerais plus charogne qu’avant ! Je les ferais chier encore d’avantage ! ». Au début du roman, Ferdinand adulte, est médecin mais aussi écrivain en devenir et travaille sur « La Volonté du Roi Krogold », nous en livrant de larges extraits, un bouquin qui n’est paru qu’en cette année 2023 !
« L’oncle Edouard, si ingénieux, qu’avait tant de ficelles à son arc, il commençait à triquer, il me trouvait un peu encombrant… Il avait déjà bassiné à peu près tous ses copains avec mes chichis, mes déboires… Il en avait un peu marre… Je butais dans tous les obstacles… J’avais quelque chose d’insolite… Je commençais même à le courir. »