Aimer
Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 592
Résumé : À 20 ans, trahie, blessée, Émilie ne croit plus en elle et pénètre à contrecœur dans son troisième livre-rêve : un labyrinthe aux voies protéiformes. Pour la première fois, des rêveurs l'accompagnent. Tour à tour adversaires, guides ou amis, ils la conduisent vers le centre du dédale... Et vers la clé de ses pouvoirs. Mais la barrière entre les mondes s'effrite, et la réalité de Jean se rapproche dangereusement du rêve d'Émilie. L'accompagnerez-vous ?
Un grand merci à Pauline Deysson pour l’envoi de ce volume.
- Un petit extrait -« J’en ai assez ! Assez de souffrir aveuglément pour un combat qui n’est pas le mien. D’abord vous écrivez pour moi un livre merveilleux où je sauve le Technomonde grâce à la magie, ensuite vous m’envoyez sans aucun avertissement dans un autre rêve inspiré du passé, où je suis vouée à perdre une guerre que je ne peux empêcher. Non contente de manipuler mes émotions sous le prétexte de faire de moi une Bibliothécaire, vous permettez à Jean d’entrer dans mon livre. Vous le laissez posséder mon âme. Et tout cela pourquoi ? Parce qu’en plus d’abandonner tous mes idéaux, il était important que je sache quelle menace votre ancien apprenti représente. Vous jouez avec moi ! »- Mon avis sur le livre -
D’aussi loin que je puisse me souvenir, la lecture faisait en quelque sorte partie de mon identité : je me présentais comme une « grande lectrice » avant tout. Je ne pouvais imaginer, concevoir, ma vie sans les livres, et il ne me serait jamais venu à l’esprit que, peut-être, un jour, je m’éloignerai de la lecture. Et pourtant. Pourtant, imperceptiblement, ces derniers mois, voire même ces dernières années, mon rapport à la lecture a évolué. Il m’arrive parfois de passer plusieurs jours sans lire, happée que je suis pas mes autres occupations, perturbée que je suis par le bouleversement incessant de mon quotidien. J’en suis la première surprise et attristée, mais la lecture n’est plus le pivot de mes journées. Je n’arrive plus à me plonger dans un livre avec autant d’intensité qu’avant, je ne ressens plus cette joie infinie au moment de me laisser happer par une histoire : d’une certaine façon, je pense que je suis brusquement devenue plus exigeante, qu’à force de lire, j’ai fini par faire le tour de ce que les auteurs avaient à me proposer. Les « modes » littéraires actuelles ne me correspondent pas, je n’ai plus forcément la curiosité de tester de nouveaux genres. Alors je me contente des auteurs et sagas que je connais et apprécie déjà, espérant ainsi raviver quelque peu cette flamme qui s’est tarie … Et quoi de mieux qu’un petit tour dans la Bibliothèque pour essayer de retrouver le gout de la lecture, n’est-ce pas ?
Blessée au plus profond de son âme, de son cœur, de son être, par son deuxième livre-rêve, Emilie voit toutes ses certitudes voler en éclat en même temps que ses idéaux : à quoi bon faire rêver nuit après nuit les hommes, puisqu’ils ne se souviennent jamais de leurs songes ? que peut-elle leur apporter de bon, elle qui n’a su empêcher la guerre à Alma et qui a assassiné un gomme au nom d’une conviction ? Désillusionnée, la jeune Apprentie Bibliothécaire ne sait plus qui elle est vraiment, et encore moins qui elle veut devenir : elle ne sait plus ce qu’elle veut, ce qu’elle vaut. Elle qui croyait pouvoir changer le monde, rendre heureux tout le monde, fait désormais face à la plus terrible des désillusions : quoi qu’elle fasse, elle ne pourra jamais garantir paix et bonheur à tous les hommes, car les désirs des uns briseront ou écraseront les besoins des autres, car les êtres humains sont d’éternels insatisfaits aux souhaits volatiles. Alors quel est le sens de son existence, quel rôle est-elle appelée à jouer ? Poussée par son mentor, Emilie s’apprête à entrer dans son troisième livre-rêve : un labyrinthe sans cesse changeant, au cœur duquel elle trouvera son être véritable, découvrira les réponses à toutes ses questions. Mais cette fois-ci, Emilie ne sera pas seule : c’est accompagnée de rêveurs qu’elle arpentera ce dédale insaisissable … sans savoir ce qui l’attend véritablement au bout du chemin, au bout du rêve.
Plus que jamais, diverses intrigues se mêlent et s’entremêlent, dans un entrelacs délicat mais parfois difficile à suivre : d’un côté, il y a l’apprentissage d’Emilie au cœur de la Bibliothèque, ce lieu hors du temps et de l’espace où les âmes des hommes endormis viennent chercher des songes ; de l’autre, il y a le Technomonde et tous ses habitants, persuadés d’être libres et heureux, enfermés dans une illusion passive tandis que Jean fomente dans l’ombre son ultime projet ; et entre les deux, il y a les nombreux rêves qu’Emilie partage avec les rêveurs, les innombrables tentatives pour atteindre le cœur du labyrinthe. Les réalités se mélangent, au point de devenir parfois impossibles à distinguer : parfois, Emilie ne sait plus si elle est dans un rêve, dans sa réalité, dans celle du rêveur. Parfois, le lecteur lui-même doit y réfléchir à deux fois avant de démêler le vrai du faux, avant de reconstituer le cours des choses, car contrairement aux deux premiers opus dans lesquels le livre-rêve occupait quasiment tout le roman et se faisait d’un bloc, ici, Emilie passe sans cesse de la lecture à la Bibliothèque. C’est à la fois brillant et quelque peu déconcertant, en somme … à la fois plaisant et déroutant. Ce n’est assurément pas un livre que l’on peut lire « pour se détendre », il faut avoir l’esprit alerte et être pleinement présent pour ne pas se perdre.
Et cela d’autant plus que, plus que jamais également, tout l’enjeu se situe finalement dans le cheminement intérieur de notre jeune Emilie. On est définitivement dans un récit initiatique aux accents métaphysiques : à l’aube de l’âge adulte, la jeune femme se retrouve confrontée aux grandes questions de l’existence. Elle a besoin de savoir qui elle est, mais aussi qui elle veut devenir. Elle a besoin de savoir si sa route est déjà toute tracée devant elle, pour elle, ou si elle a la possibilité de tracer son propre chemin, son propre destin. Elle a pris conscience, douloureusement, que ses choix ont des conséquences, que même les meilleures intentions du monde peuvent entrainer souffrance et mort autour d’elle, qu’il ne suffit pas de vouloir bien faire pour effectivement bien faire … et n’ose désormais plus avancer. Elle a peur d’elle-même, peur de ne pas prendre les bonnes décisions, peur de faire plus de mal que de bien, peur de ne pas pouvoir suivre ses intuitions. Elle a également pris conscience qu’il n’existe pas de monde idéal, de monde parfait, que la liberté, la justice et le bonheur sont des armes autant que des desseins, que la nature humaine est pleine de noirceur … mais aussi de douceur. Car après avoir perdu toutes ses illusions, Emilie doit désormais retrouver foi en l’avenir, en la vie, en l’amour. En elle-même. Sans se laisser entrainer à nouveau dans l’utopie : le juste équilibre est si difficile à trouver, sans doute même inatteignable, mais elle doit retrouver le désir d’y tendre, la force de se battre.
Il faut bien le reconnaitre : ce n’est pas un livre qui plaira à tout le monde. On pourrait aisément de lasser de ces interminables tergiversations, de ces incessantes introspections. Même moi, j’ai parfois eu le sentiment que nous tournions un peu trop en rond, que sur le plan narratif, il aurait peut-être été judicieux de condenser un peu les choses au lieu de trainer ainsi en longueur. Je suis pourtant la première à préférer les personnages qui doutent, qui se remettent en question, qui changent d’opinion, qui avancent à tâtons dans la jungle de la vie … mais j’ai parfois éprouvé une certaine lassitude, l’envie et le besoin d’un peu plus de dynamisme. Un peu d’action. J’aurai finalement aimé que l’intrigue avance un peu plus. Bien sûr, il y a eu quelques confrontations oniriques entre Jean et les Bibliothécaires, mais pour le reste … en pas loin de six-cent pages, nous n’avons pas beaucoup progressé dans l’histoire. Tout semble presque en être au même point qu’au début du roman, tant les choses bougent imperceptiblement : encore une fois, c’est brillamment mené, c’est de plus très joliment narré, mais ça peut parfois être un peu frustrant, et presque ennuyeux. Comme dans tout, il y a un équilibre à trouver, et je dois bien avouer avoir trouvé que le récit aurait été plus fluide sans ces quelques longueurs. Rien de grave, mais je préfère prévenir ceux qui aiment les histoires « qui swinguent » : ils risqueraient d’être déçus.
En bref, vous l’aurez bien compris : c’est un troisième tome qui tranche un peu avec les deux précédents. Sans doute parce que nous sommes pile au milieu de la saga, sans doute parce que nous sommes arrivés au point de bascule : il y avait un Avant, il y aura un Après. Emilie ne sera plus jamais la même, désormais : elle est enfin prête à embrasser sa destinée, librement, enfin débarrassée de ses ultimes chaines, de ses doutes, de ses craintes. Je me demande bien ce que cela va entrainer pour la suite de l’histoire … et j’ai drôlement hâte de voir ce que cela va donner ! En étant parfaitement honnête, j’espère vraiment que les tomes suivants seront un peu plus « énergiques » que celui-ci, et qu’Emilie ne se perdra plus autant dans ses interminables réflexions : c’est bien de se poser des questions, surtout quand on a un tel pouvoir (et donc de telles responsabilités), mais en tant que personnage de roman, il serait tout de même bon qu’elle n’oublie pas le lecteur et son désir de vivre à son tour de folles aventures ! Pour ma part, j’ai très envie de botter les fesses de Jean, alors elle a intérêt à le faire pour moi dans un avenir relativement proche, parce que je n’ai malheureusement pas la chance de pouvoir me glisser dans les livres comme elle pour le faire à sa place !