La page blanche présente une héroïne - Eloïse - en quête d'identité. Découverte sur un banc avec un sac à main, la jeune femme qui ne se souvient plus de qui elle est, d'où elle habite, va mener l'enquête pour retracer son quotidien et accessoirement son présent et son passé.
La page blanche est un récit déroutant, non pas en raison d'un scénario bancal (il est parfaitement cohérent et très bien construit) mais plutôt en raison du questionnement qu'il développe : j'ai réussi à m'identifier à cette jeune héroïne pendant un temps long de lecture et à ressentir réellement cette perte de mémoire, de repères surtout. J'ai eu de l'empathie sur ce qu'elle vivait et j'ai aussi adhéré aux nombreuses hypothèses toutes plus abracatabrantesques les unes des autres... et franchement la sensation de ne pas savoir qui on est, d'où on vient, est assez flippante et parfaitement retranscrite dans La page blanche qui reste une réussite tant dans l'animation des scènes, les différents thèmes chromatiques qui identifient les moments de la recherche. Comme la quête qui tâtonne, les scènes s'emboîtent sans anticipation (même si je ne doute pas d'un fil réfléchi de narration de la part des deux auteurs). On reconnait la patte graphique de Pénélope Bagieu, son trait de crayon qui fait la part belle aux couleurs, aux suggestions (les visages ont suffisamment d'éléments pour les distinguer, sans chercher la précision du trait de crayon).
La page blanche est la re-construction d'une vie (d'un scénario de vie) qu'on voit aussi que certaines collaborations se défont, que certains liens plus fragiles subsistent moins. Parce qu'en s'interrogeant sur soi, on interroge aussi notre lien aux autres.
J'ai senti, peut-être à tort, des inspirations cinématographiques (Mémento de Christopher Nolan) et littéraires (Shutter Island de Dennis Lehane) bienvenues.
La page blanche au titre très bien choisi (référence au monde des livres - on découvrira pourquoi-; référence au roman d'une vie à construire) offre un moment de lecture intéressant et intelligent, qui remue les méninges et laisse des questions en suspens en fin d'ouvrage, même si la chute finale augure d'un renouveau évident et questionnant.
Très bien.
Editions Delcourt / Mirages
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