Paris, 1888. Jeune fille de bonne famille, avide de liberté, Lisbeth se sent piégée dans une vie dont elle ne veut pas. Sa mère est morte quand elle était enfant, son père est froid et autoritaire, une étrange malédiction accable sa famille depuis toujours… Alors que l’automne s’installe, des songes enchanteurs troublent son morne quotidien : elle entre dans un monde envahi par l’hiver éternel, un ailleurs où trône un splendide château blanc peuplé d’un unique habitant, Elliot, qui lui en apprend plus sur son pouvoir naissant, celui des rêves. Ainsi, chaque nuit, ils explorent Érèbe et ses merveilles, comme dans un conte de fées. Mais les contes de fées, tout comme les rêves, peuvent vite tourner au cauchemar, et les malédictions rattrapent toujours ceux qui cherchent à les fuir…
Pourquoi ce livre ? Cela fait quelques années maintenant que j'ai découvert Rozenn Illiano, grâce au Phare aux corbeaux paru chez Critic mais aussi par le biais d'une amie, proche de l'autrice. Depuis, je ne cesse de découvrir sa bibliographie, allant même jusqu'à recevoir quelques services presse.
Il fallait bien que je lise un jour Érèbe. Rien que pour la neige présente dans ce rêve, je savais que ce livre serait en partie fait pour moi. Je ne fus pas déçue, je suis même passée à un cheveu du coup de cœur !
Érèbe est un lieu insolite, onirique et malléable. On rêve tous d'avoir un tel jardin secret, où chaque voeu prend forme. Il faut toutefois rester sur ses gardes et à ne pas en abuser, car la beauté du lieu peut bien rendre accro et possessif. C'est d'ailleurs l'histoire de cette intrigue, puisque c'est la rivalité entre deux familles qui se joue ici, chacune souhaitant la mainmise totale sur cet endroit enchanté.
Au milieu de tout ça, Lisbeth, qui découvre au fil des pages qu'elle est une marcheuse de rêves, et Elliot, qui cherche le moyen d'échapper à la destinée. Des liens vont se tisser en prenant leur temps, des liens qui vont se renforcer par des émotions puissantes comme la peur, le doute, la jalousie ou la trahison. Je me suis prise d'attachement pour ces deux personnages tiraillés entre leurs envies et leur devoir envers leur famille respective. Les choses se déroulent sans précipitation et de manière tout à fait logique, c'est plus que cohérent et ça m'a donc paru crédible, renforçant ma sympathie et ma compassion à leur égard.
J'étais néanmoins plus conciliante que ce duo vis-à-vis de leur famille puisque j'acceptais leurs raisons pour se défendre de tant de méchanceté, même si je trouve juste surprenant qu'ils ne cherchent pas plus que ça la genèse de leurs liens avec Érèbe, comme s'ils voulaient garder les yeux fermés sur leur but.
L'intrigue en elle-même se lit avec délectation, avec un tempo rondement maîtrisé. À l’image de cette relation naissante, la douceur est le maître mot qui me vient en tête pour la décrire. L'autrice prend son temps pour développer les fils narratifs et la trame temporelle, dans un mélange de passé, présent et futur qui permet d’expliquer la genèse, de vivre la romance et d’appréhender leur destinée, qui ne semble glorieuse pour personne… Le rythme est bien mené et j’ai eu du mal à décrocher de ma lecture, dès les premières pages.
Le style contribue d'ailleurs au fait que j'ai été scotchée. D'une douceur égale à l'intrigue, Rozenn Illiano use de tout son talent de conteuse pour nous embarquer dans ce récit onirique, au cœur des sentiments contradictoires de ses personnages. Ses mots posent l'ambiance neigeuse à la perfection. Seul bémol, et je pense que c'est pour cette raison que le livre échappe au coup de cœur, c'est que son style n'évolue pas en fonction des époques. C'est un exercice difficile, mais j'aurais souhaité des phrases qui rappellent l'époque de la Renaissance, avec des styles très différents. Ici, tout reste écrit et parlé de la même manière, si bien que j'avais du mal à me considérer au XVIe siècle (par exemple).
Une petite perle dans un océan de neige. Lire Érèbe, c'est découvrir une magie à la fois discrète et puissante, appréhender un nouveau lieu où le temps se mêle. La finalité de la relation était prévisible, c'est toutefois le chemin qui y mène qui est beau, avec son lot de sentiments. Ce ne fut pas un coup de cœur mais pas de doute possible, j'ai adoré me plonger dans ce récit de luttes familiales. Je conseille ce roman à tous !
18/20