Grasset – 16 août 2023 – 272 pages
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Un roman dont on sent les prémisces du chaos dès les premières pages – avec l’image de cette fillette à la robe blanche souillée de sang, vision qui hante la narration.
Le nouveau roman d’Ananda Devi se déroule sur l’Île Maurice – personnage à part entière, narratrice de ce récit – le temps d’une journée et met en scène quatre personnages qui aspirent à changer de couleurs, comme des caméléons ; Nandini, qui réalise un matin qu’elle ne supporte plus son mari et ce quotidien abject et violent qu’il lui fait subir. Junaid Ahmed, dit Zigzig, un chef de bande assoiffé de vengeance et de violence ; une violence nourrie par celle de son père, le Gorille. Zigzig qui se réveille le corps douloureux, à la recherche de ceux qui ont osé le passer à tabac. L’oncle René, douloureusement solitaire, dépressif, dont le seul rayon de soleil est sa nièce. Sa nièce Sara, qui semble être comme lui ; « le monde autour d’eux tourbillonne, tandis qu’ils vivent dans un entre-deux gris qui leur semble rassurant ». Ce sont tous deux des créatures craintives, sachant si bien dissimuler leur obscurité intérieure.
La trajectoire de chacun de ces personnages va se croiser et le temps d’une journée, tout va basculer. Les personnages le sentent, le chaos est imminent. Les couleurs sont plus intenses – il y a le rouge écarlate du sang, la blancheur immaculée de la robe, le noir du sang des camaléons, la drogue des plus pauvres ; elles composent le tableau de la destruction qui s’annonce.
C’est un roman dont les pages se dévorent ; je l’ai lu en apnée, le cœur battant, la gorge nouée, les yeux qui piquent, presque essouflée. C’est addictif comme un thriller et envoûtant comme une fable philosophique qui me laisse une impression de lecture terrible.