Le grand feu - Léonor de Récondo
Présentation de l'éditeur
« Le grand feu, c’est celui qui m’anime, et me consume, lorsque je joue du violon et lorsque j’écris. »
Léonor de Récondo
En 1699, Ilaria Tagianotte naît dans une famille de marchands d’étoffes, à Venise. La ville a perdu de sa puissance, mais lui reste ses palais, ses nombreux théâtres, son carnaval qui dure six mois. C’est une période faste pour l’art et la musique, le violon en particulier.
À peine âgée de quelques semaines, sa mère place la petite Ilaria à la Pietà. Cette institution publique a ouvert ses portes en 1345 pour offrir une chance de survie aux enfants abandonnées en leur épargnant infanticides ou prostitution. On y enseigne la musique au plus haut niveau et les Vénitiens se pressent aux concerts organisés dans l’église attenante. Cachées derrière des grilles ouvragées, les jeunes interprètes jouent et chantent des pièces composées exclusivement pour elles.
Ilaria apprend le violon et devient la copiste du maestro Antonio Vivaldi. Elle se lie avec Prudenza, une fillette de son âge. Leur amitié indéfectible la renforce et lui donne une ouverture vers le monde extérieur.
Le grand feu, c’est celui de l’amour qui foudroie Ilaria à l’aube de ses quinze ans, abattant les murs qui l’ont à la fois protégée et enfermée, l’éloignant des tendresses connues jusqu’alors. C’est surtout celui qui mêle le désir charnel à la musique si étroitement dans son cœur qu’elle les confond et s’y perd.
Le murmure de Venise et sa beauté sont un écrin à la quête de la jeune fille : éprouver l’amour et s’élever par la musique, comme un grand feu.
Léonor de Récondo
Léonor de Récondo est née en 1976 dans une famille d’artistes, mère peintre et père sculpteur. Violoniste, elle a enregistré de nombreux disques et s’est produite en France et à l’étranger, en particulier dans des ensembles dédiés à la musique baroque. Elle a fondé l’ensemble L’Yriade, spécialisé dans le répertoire des cantates des XVIIe et XVIIIe siècles. Écrivaine, elle est l’autrice de huit romans dont Amours (2015, Grand Prix RTL-Lire et Prix des Libraires), Point cardinal (2017, Prix du roman des étudiants France Culture-Télérama), La Leçon de ténèbres (2020, prix Ève Delacroix de l’Académie française), et Revenir à toi, (Grasset, 2021, LGF, 2022).
Source : Grasset
© JF PAGA
Mon avis
Le 31 mai 1699 Ilaria Taglianotte voit le jour à Venise, elle est issue d'une famille de marchands de tissu. Sa mère Francesca aime écouter la musique et les chants merveilleux derrière les grilles de la Pieta, une institution destinée aux orphelines qui donne un enseignement musical de haut niveau. Les enfants de riches viennent y apprendre à chanter plusieurs fois par semaine.
Ilaria sera confiée à la Pieta à l'âge de 3 mois. Elle y grandit fascinée par le chant de Maria qui l'embrase et lui permet de tout oublier. A l'âge de 8 ans trop jeune pour le chant, c'est "une voix d'or dans les bras d'un enfant" qui lui sera confié, un violon. Un nouveau maître de musique est arrivé ; Antonio Vivaldi.
Prudenza Leoni également âgée de 8 ans vient prendre des cours quatre fois par semaine, c'est le début d'une amitié qui lui ouvrira le monde et lui laissera ressentir et imaginer la Sérénissime, mais aussi à l'âge de 15 ans découvrir l'embrasement de l'amour pour Paolo, le frère de son amie.
C'est par ce roman que je découvre la jolie plume de Leonor de Recondo. Une écriture poétique, incandescente, au choix des mots ciselés. Le style est élégant.
Elle décrit à merveille l'embrasement, la découverte de l'amour, ce feu intérieur qui dévore Ilaria pour sa passion à la musique. Vivaldi est bien présent, Ilaria devient sa copiste mais il occupe un rôle secondaire. C'est surtout une ambiance qui est décrite. Venise est un également un personnage du roman et j'ai aimé le contexte historique en arrière plan.
C'est un très beau voyage dans le temps mais aussi dans l'émotion et le ressenti de la musique.
Ma note : 9/10
Les jolies phrases
Elle ne se sent pas chargée d'une mission divine, non, mais d'une mission féminine.
Chaque violon est un monde qui s'ouvre.
Une fenêtre sur l'extérieur, protégée par de la ferronnerie martelée. Métaphore de son monde. Regarder sans être vue, jouer sans être vu, vivre sans que personne ne le sache. Là, elle se sent tranquille. Inattaquable, elle peut rêver à sa guise de départs, de voyages fabuleux. Les barreaux la protègent, aussi bien qu'ils l'empêchent.
Avant de fermer les yeux pour l'écouter, Ilaria regarde ses cheveux couleur braise. Elle se demande si Venise est une ville d'eau parce que justement tout s'y enflamme. L'instant d'après, elle se laisse porter par la phrase suspendue du violon.
La musique est une suite de notes, un assemblage de chiffrages qu'il faut maîtriser et qui sont les tuteurs de l'émotion.
Elle invente, contourne, orne, diminue avec grâce, sa manière n'est jamais ostentatoire, démonstrative. Quand elle joue, la musique qu'il compose est un miroir qui éveille une couleur inattendue, un recoin de paysage inaperçu jusque-là.
Sentiments, imprégnations, annihilations, exfiltrations. Matière vivante que ces émotions, par strates, ressenties parfois, souvent évanescentes, d'une épaisseur à vous étouffer, qui vous retournent comme un gant, jusqu'à exposer aux yeux des autres leur mille-feuille à vif. Rouge brillant.
Elle répond qu'en matière de flammes, elle s'y connait. Parfois, elle brûle, quand elle joue du violon. Ça part de son coeur, jamais de son esprit, elle insiste : de son coeur et ça se propage jusqu'à ses mains, elle a l'impression que tout s'enflamme, la touche, le violon, les cordes qui s'entortillent sous la chaleur, alors elle s'enfuit où elle peut, elle plongerait volontiers dans la lagune.
Pourquoi n'as-tu pas eu la sagesse de m'apprendre nos propres failles ?