La Fin des hommes
Par Christina Sweeny-Baird
Chez les Éditions Gallmeister, collection Totem
Avertissements de contenu : Pandémie, maladie, mort d’adultes et d’enfants, description explicite de symptômes, deuil, sexisme, queerphobie, gaslighting.
2025, une mystérieuse maladie, baptisée le “Fléau”, se répand dans le monde entier. Elle semble ne toucher que les hommes, et très vite, les fils, les maris et les pères meurent. Tandis qu’une moitié du monde s’écroule, des femmes s’élèvent et réagissent, de l’Écosse à Singapour, de la Russie aux États-Unis. La Dr MacLean qui reste en première ligne des soins aux patients ; Catherine, une historienne déterminée à retracer les histoires humaines derrière le ”Fléau” ; ou encore Dawn, analyste du renseignement, chargée d’aider le gouvernement à forger une nouvelle société : toutes tentent chacune à leur manière d’agir face aux conséquences dévastatrices, tant sur le plan personnel et politique que sur le sens de la famille.
Comme nous l’indique la préface de l’autrice : ce roman a été écrit avant la pandémie de COVID-18. Savoir cela rend notre lecture de La Fin des hommes encore plus incroyable. Parce que Christina Sweeny-Baird a écrit un livre incroyable. Et il s’agit de son premier roman !
Un premier roman qui fait froid dans le dos pour son réalisme chirurgical. La Fin des hommes est écrit comme des entrées de journal intime, chaque chapitre relate la narration interne d’une protagoniste quelque part dans le monde. De la même manière, le livre est coupé en plusieurs parties, narrant le début, le milieu et l’ébauche de la fin de la pandémie. Cette manière d’écrire m’a fait pensé au roman World War Z dont j’avais également adoré la structure. Même si dans un premier temps, on se perd dans les noms et les métiers des narratrices, on finit par s’y faire et s’accrocher encore plus à ces personnes si attachantes dans leurs douleurs, dans leurs pertes et dans leurs buts.
Chacune des voix portées par La Fin des hommes est si réaliste que cela en est terrifiant. J’ai pu observé des patterns présentes dans le livre, dans ces personnages, dans la vie derrière le livre. L’épuisement sur les visages, le fait de parfois être une citoyenne de seconde-zone selon les milieux dans lesquels on est. Et pourtant, même si parfois nos héroïnes craquent – car elles sont humaines – le monde ne sombre pas dans un chaos total.
C’est le fait d’être plongé dans l’intimes de ces femmes qui rend l’œuvre épatante. Christina Sweeny-Baird nous délivre une éloge aux femmes sensible et pleine d’empathie. La Fin des hommes est un livre profondément féministe, qui évoque le destin possible de femmes de toutes horizons – même si l’Afrique est malheureusement absente de l’ouvrage.
En plus du sexisme ordinaire – qui aurait pu littéralement éviter une extinction de masse, Christina Sweeny-Baird va au delà des « attentes » féministes que l’on peut trouver ci et là. La Fin des hommes parlent de l’incompétence de ceux-là dans le foyer familial, il parle de la sexualité des femmes lorsque les hommes deviennent si rares, il parle d’accouchements et jusqu’où il faut aller pour protéger les bambins du virus. Les hommes homosexuels sont évoqués car ils se retrouvent face à une nouvelle épidémie qui dissémine de nouveau leur population. Christina Sweeny-Baird se projette même dans une société où l’homme ne serait plus roi. Les normes de sécurité des voitures sont revus, on refait des tests médicamenteux sur un public féminin et non exclusivement masculin. Tout doit et est changé.
D’une certaine manière, La Fin des hommes est une eutopie pour toutes ces femmes piétinées par cette société masculiniste, même si elles y perdent leurs fils, leurs frères et leurs maris. Une eutopie de femmes fatiguer à subir, encore et encore.
Si les premiers chapitres de La Fin des hommes et la lente mais rapide escalade du virus dans le monde nous plonge dans un sentiment de déjà-vu avec notre COVID, la lecture que nous propose Christina Sweeny-Baird ne surfe pas sur cette vague là. La Fin des hommes est un bon livre ou on passe un bon moment de bout en bout, même en suivant les deuils, les morts et surtout les espoirs. Une lecture que je recommande vivement.