Meute
Par Karine RENNBERG
Chez ActuSF, collection Bad Wolf
Avertissements de contenu : nourriture et rapport difficile avec celle-ci, gavage, chasse, violences physiques avec blessures explicites, torture, meurtre, expériences/torture médicale & scientifique, stress post-traumatique, fausse couche, classicisme, élitisme, validisme.
Roman atypique lycantrope, Meute suit Nathanaël, Val et Calame. Si le premier est un loup-garou né de la violence et la solitude, le second est un humain à qui l’on a volé la voix alors que le troisième est un loupiot traumatisé, incapable d’accéder à la moindre autonomie. Ce récit fantastique est avant tout celui d’une tranche de vie, de ce moment où tout bascule entre le noir et la lumière.
Vous voulez une nouvelle claque ? Je vous présente alors Meute de Karine Rennberg. Vous pensiez avoir tout lu sur les loups-garous ? Vous aviez tort. (c’est très prétentieux, comme accroche, ça.)
Trois voix, trois personnes brisées. C’est ce que présente Meute. La difficulté, c’était clairement la redondance. Mais Karine Rennberg a su nous montrer – malheureusement – que l’on peut souffrir de maintes et maintes manières. Le roman alterne les points-de-vue entre Nath, Val et Calame dans une monde où l’écart entre les riches et les pauvres n’a fait que de s’agrandir et est donc maintenant un gouffre sans fond. Là où Nath et Val vivent, ce sont les gangs et la violence qui règnent, il faut des panneaux solaires pour essayer d’avoir de l’eau chaud ou juste de l’électricité. Les légumes coutent affreusement chères.
Et la violence, de partout présente.
En ouvrant Meute, nous n’imaginons pas un ouvrage optimiste. Karine Rennberg nous offre une belle critique de la société et de ce qu’il faut pour survivre. L’élitisme est présent, piétinant Nath qui veut pourtant que garder la tête hors de l’eau. La lutte des classes est représentée d’une manière que j’avais encore jamais vue : elle est interne à la classe elle-même, c’est la loi du plus fort qui règne, celle de la jungle. L’idée n’est pas forcément d’aller habiter chez ceux qui ont de l’électricité, l’idée c’est de monter en haut de la chaine alimentaire, c’est de se mettre en sécurité tout en restant dans ce quartier violent mais malgré tout apaisant car sien. C’est un beau regard qui pourrait illustrer ce qu’il se passe dans les quartiers « oubliés » des villes françaises.
Je dis beau car la plume de Karine Rennberg est belle. Elle est violente, elle est hachée, elle montre la réalité de ces trois jeunes hommes. J’ai aimé lire les variations de ses mots lors des différents points-de-vue. Karine Rennberg est une autrice que je vais définitivement suivre de près ! De plus, Meute est écrit à la deuxième personne du singulier. Ce genre de point de vue est si rare dans les publications françaises ! Il est maitrisé, rendant encore plus vivant le roman.
Meute présente une grande diversité. Elle n’est pas forcée, elle fait plaisir à lire et parfois mal au coeur. Calame, le loupiot, est non-verbal suite à de nombreux traumatismes. Val s’est tout bonnement fait tranché la gorge, cordes vocales comprises, et utilise la langue des signes pour communiquer. Son entourage a suivi, a appris. Il est également aromantique et asexuel. Nath est plein de colère, l’évacuant à coups de poings. Il est homosexuel. Val et Nath ont des statuts qui ne sont pas remis en cause et ça fait bougrement plaisir de voire que les normes queerphobiques de la société n’ont pas été reprises dans un ouvrage de fiction ! De plus, dans Meute, les relations amoureuses ne sont pas mises en avant, elles sont là parce que ça arrive parfois dans la vie. Quel plaisir de lire une représentation fidèle, réaliste et sans clichés !
Et l’histoire ! mes aïeux ! l’histoire ! Karine Rennberg nous tient en haleine de A à Z, que ce soit par les rebondissements d’intrigues ou les évolutions des personnages.
J’ai vraiment bien plaisir à lire Meute et je vous le recommande plus que vivement. C’est un roman qui vous fera sursauter, pleurer et rire. J’aimerai en lire plus, toujours plus sur cette univers sur comment ira Calame par la suite. Voici l’unique défaut que j’ai trouvé à l’ouvrage – si on peut dire que c’est un défaut.