Folio – août 2022 – 368 pages
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« Ces années de joie contrefaite et de mal-être indicible. »
La petite Kimmy Diore, 6 ans, a disparu. Alors que la police débute son enquête, nous remontons le fil des origines. Depuis l’adolescence, la fascination de sa mère, Mélanie pour la télé-réalité ; son apparition dans une obscure émission qui se solde par un échec cuisant. Puis lorsqu’elle devient maman, pour contrer l’ennui qui la dévore, sa découverte des réseaux sociaux – Facebook, puis Youtube. Mélanie ouvre sa propre chaîne quand sa fille a deux ans. Et puis tout va très vite : le succès est au rendez-vous, le million d’abonnés atteint, les contrats qui s’enchaînent… Jusqu’à la disparition de Kimmy, en pleine partie de cache-cache dans la résidence.
Delphine de Vigan nous livre un roman intelligent et implacable ; elle décortique minutieusement la façon dont Mélanie se laisse happer par les réseaux.
Le personnage de Clara Roussel, qui va mener l’enquête, m’a particulièrement touché – cette femme flic qui a cessé de grandir à six ans, orpheline de parents trop tôt, qui s’attache à laisser le moins d’empreintes numériques, qui cherche à disparaître plutôt qu’à se mettre en scène.
Les enfants sont rois est une lecture addictive, bouleversante, que l’on ne peut que lire en apnée, la crampe au ventre – elle m’a confortée dans l’idée de ne pas surexposer mes propres enfants sur les réseaux sociaux. Avec un regard vif et acéré, non dénué d’ironie, l’autrice dépeint brillamment cette société – des débuts de la télé-réalité à l’invasion des réseaux sociaux – où l’intime est en voie de perdition, où la notion de partage perd de son sens, nous questionnant sur notre propre rapport à l’image que l’on renvoit sur Internet – cette quête infinie de reconnaissance, ce besoin irrépressible de tout partager, avec des inconnus.