C’est vrai, je fais des cauchemars, je me réveille avec des rémanences de lames ensanglantés, mais je ne cherche pas la catharsis, je ne cherche pas à arrêter les souvenirs qui me laissent agité de larmes sur les draps trempés de sueur. Je les veux, ces souvenirs. Ils sont peut-être horribles, mais je ne veux pas qu’ils s’arrêtent, parce que je ne veux pas l’oublier, elle. Un souvenir obsède Stewart Rome. Ce souvenir habite encore ses jours, plusieurs décennies après le sordide événement. Ça s’est passé en 1967, dans une petite ville du Massachusetts. À l’époque, Stewart avait quinze ans, était un élève pas pire, entouré d’une famille pas pire; il était amoureux fou de Masha, la p’tite nouvelle, une jeune Polonaise qui cassait son anglais; il traînait avec deux mauvaises graines: Doyle et Murphy. Le jour où Masha a été sauvagement agressée et violée dans le sous-sol du lycée, Stewart n’a rien fait. Emmett, un jeune noir, a rapidement été pointé du doigts et arrêté. Mais était-il LE coupable? Doyle et Murphy auraient-ils quelque chose à se reprocher? Et Stewart, là-dedans?Depuis la lecture de Dandy, je suis une groupie de Richard Krawiec, à l’affût de chacune de ses parutions. Dandy est pour moi insurpassable. Vulnérables était un brin trop larmoyant – mais signé Richard Krawiec, c’est tout pardonné.Avec Paria, la barre remonte d’un cran.C’est la première fois que Richard Krawiec plonge dans le monde de l’adolescence de manière si frontale. Ses personnages sont pleins de fêlures, remplis de zones trouble et de failles.D’une écriture dépouillée, sans jamais un mot de trop, il s’immisce dans les pensées les plus sombres de ses personnages, pensées dans lesquelles l’envie de bien faire, le besoin d’acceptation, mais aussi la jalousie dévorante, la frustration, la lâcheté et la violence sont omniprésentes. Les tourments et les émois d’un premier amour sont dépeints avec une extrême justesse.
Ce qui me fascine le plus, avec Richard Krawiec,
c’est sa capacité à habiter chacun de ses personnages pour explorer leurs tourments, leurs doutes, mais aussi leur humanité. Parce queRichard Krawiec est avant tout un grand humaniste, un auteur qui croit en la bonté viscérale de l’homme. Ce qui est assez rare pour être souligné. À travers Paria, il dresse le portrait d’Amérique gangrenée, celle des inégalités, du racisme, de la violence et de la misère sans fond. La préface d’Hervé Le Corre éclaire l’oeuvre deKrawiec et donne envie de découvrir ou de relire ses deux premiers romansJe t’encourage fortement à découvrir et à encourager les petites maisons d’édition indépendantes, comme Tusitala, des dénicheuses de talents qui se démènent comme un diable dans l’eau bénite pour survivre.Paria, Richard Krawiec, trad. Charles Recoursé, Tusitala, 220 pages, 2020.★★★★★